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Publié par Michel Castanier

La merveilleuse Autobiographie
Teun Hocks

 

Faire du mal à l’être qu’on aime est un plaisir douloureux. Le plaisir est à la mesure de la souffrance imaginée. La vue de la confiance déçue, le visage qui se chagrine, la trahison révélée, la crainte des coups, suffisent à exulter. Mais il est méconnu qu’imaginer la douleur est la surestimer. L’imagination est une loupe qui focalise démesurément. Le risque est alors grand d’être finalement seul pour avoir mal.

Il est tout aussi dommage d’avoir reconnu trop tard la peine infligée par mégarde. La satisfaction y est plus pauvre. Elle est douleur rétrospective sans beaucoup de plaisir. N’avoir pas eu la pleine cons­cience de ses actes est n’en pas retirer toutes les sa­tisfac­tions possibles, l’action est perçue de façon trop rési­duelle. Mais là aussi on exagère son pouvoir. La « victime » a depuis longtemps oublié, qu’on persiste à souffrir de ce mal négligé. On est le manchot et sa main fantôme.

Il n’y a là aucune liberté. Il faudrait être des enfants. Ils sont tout entiers dans leur douleur : ils tombent au fond d’un puits. Il est vrai qu’ils remontent au jour à toute allure et tout aussi entièrement joyeux.

 

J’ai suivi aujourd’hui par les rues un vieillard qui res­semblait à ma vie.

Un piccotis de piano passe la fenêtre ouverte dans le salon cossu sous lequel il s’avance avec sa canne pour prendre l’air avant de se coucher. 

Tressautements affo­lés de notes à son apparition par la fe­nêtre, l’émotion de la sonatine boite avec lui, incrédule elle se porte à l’exaltation, enfin l’émerveillement at­tendri tourne lente­ment autour du salon – tourbillons des valses qui meurent de soli­tude inquiète.

Le vieillard ne savait pas être tant aimé.

Il s’assoie sur un banc de bois vert, dans le square, devant la fenêtre, quand une femme aux cheveux roux accourt à lui. Elle s’accroupit, contre son ge­nou, et le contemple. Elle est insensible à son âge, à la pré­sence de sa canne, à son odeur. Elle a décidé qu’elle le vou­lait.

– Tu es une sorte de petite fille dans ta tête, n’est-ce pas ?

– Oui.

– Qu’attends-tu de moi ? Je ne veux pas te décevoir.

Elle ne répond pas mais il sait qu’elle dit tout.

 – Est-ce que tu veux danser ?

– Oui.

Il se lève, entame un pas, se prend les pieds dans sa canne, tombe ; la petite chienne rousse lui aboie après. Le vieillard dit Connasse ! et la crise cardiaque l’emporte.

 

Il y a peu de vrais beaux vieil­lards, la face romaine, la toge invisible retombant pli après pli sur leur pose auguste. Ceux-là soup­çonnons-les sans peine de malformités morales, de vénalité, de corrup­tions, de désirs dégoûtants, les plus infâmes et d’ailleurs les plus délicieux. Certains deviennent toujours plus raf­finés dans leur sexualité et par lassitude montent par les de­grés mélanco­liques de la plus exquise cruauté.

 

Comptine. Je les hais je hais leur inconscience à ces sous-vieillards je hais vos jeunes sinistres imbéciles goinfrés de vitalité stu­pidement vivants ah le pro­blème est que la déploration est vaine qu’elle est insignifiante une seule chose compte la si­nistre évolution la reproduction l’espèce la mort. 

 

 

 

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