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Publié par Michel Castanier

Le Cercle des Explorateurs Enthousiastes aventures comiques fiction

 

 

Discours dit du régime de bananes (suite)

 

4. L’entreprise est pharaonique. L’Homme de la rue en état de choc. Les marchés apprécient.

Le secteur Communication, sous la direction sagace de Guy Pin­son de Cavaillon, médite déjà la campagne de slogans qui exacerbera l’attention en­thousiaste du monde civilisé. Un grand battage média­tique précède l’événement. On se dispute les brochures publicitaires joli­ment colo­riées. Les murs des grandes villes d’Europe sont enduits à l’infini d’une même affiche. Un enfant aux che­veux hé­rissés y est crucifié par la joie : un cri d’extase muet tord à jamais la bouche. Cet être électro­cuté de bon­heur a deux cap­sules d’eau miné­rale qui ob­turent ses yeux : l’heureux élu a ga­gné un abonnement à vie au Pa­ra­dis.

 

 

5. Déjà, selon Omar, des fonds de pension américains s'intéres­sent à cette perle du capitalisme français, ce bijou, cette petite merveille.

–  Pioches, pelles, fusils et Coran sous les cha­riots bâ­chés, nous repousserons les frontières du doux com­merce. Nous avons l’avenir devant nous. 

– Le Coran ?

Nous l’avons bientôt dans le dos.

Aucune école de management ne permet aux cadres d’anticiper ce qui allait être la folle conséquence de nos nouvelles expéditions.

 

 

Prélude à une imprévisible expansion du monde

 

 

1. On voit un inconnu, avec un front incommen­surable et de longues bajoues flasques, qui est pris pour un clown à la retraite, mais la courtoisie dont il est entouré dé­trompe vite : c’est un spé­cia­liste international en mécanique quantique.

Le mécanicien entre avec discrétion dans la roulotte de la Genèse où le professeur a pour habitude de signer ses contrats histo­riques. Joyau de nos Salons d’expositions historiques  – elle est immo­bile et silencieuse derrière un rectangle de cor­don rouge. Le professeur aime parfois y méditer à l’écart de tout.

Deux Berbères costauds, les bras croi­sés, se tiennent de­vant la porte. L’inconnu croise sur le seuil le départ d’une femme voilée. Ulysse, très élé­gant, la tige frêle d’un bal­lon de Fine Napoléon dans ses doigts, ex­pose aussi­tôt, avec beau­coup de verve, ce que sera la nou­velle expan­sion de sa pe­tite entre­prise.

                                       

 

2. Le savant, originaire du Cantal, a un nez fort, une chevelure ébourif­fée, de gros sour­cils froncés sur des yeux de myo­sotis. Il est aussi vêtu d’un com­plet trois pièces vert artichaut qui plaît beau­coup au professeur. Un Manhattan de piles de livres encombre le bureau qui sé­pare les interlocuteurs. Le visiteur s’aménage une vue par­tielle en dépla­çant un traité ferré d’or : In­fluence de la ruée vers l’Or sur la vie des dory­phores améri­cains. L’œuvre sans concession pa­raît lui ou­vrir de nouveaux hori­zons.

–  Ze zera une nouvelle Créazion ! dit Albert le Savant à voix basse.

– Zertes, Zertes, dit le professeur d’un air péné­tré.

Très ému, il offre une nouvelle tournée de son meilleur co­gnac.

–  Vous avez tout compris, mon cher garçon, ajoute-t-il, parlant sous l’abri de sa main. Restons discrets.

On s’entretient à mi-voix du chaos, de l’expansion des dis­si­pations, des illusions de l’irréversibilité, d’interactions transi­toires et, à l’occasion, du sublime Livre des transforma­tions. On rit beaucoup du démon de Laplace. On cause incons­tance cosmogonique. On en vient enfin à disserter du Grand Vé­hicule en jonglant avec des œufs durs au bar du Café de la plage.

–  Quelle est la pensée du Cercle ? dit le professeur à un pe­tit groupe d’admirateurs qui écoute, subjugué.  

Le sublime savant, quand il est complètement pompette, aime à enseigner à ses familiers ces vastes su­jets : l’Histoire, la Nature hu­maine, le Destin, le Réel, le Chaos, l’Œuf dur.

–  Il est incontestable que l’homme – cet enfant qui ne cesse de grandir – transforme le monde par ses expériences et qu’à son tour celui-ci le trans­forme en l’amenant à se dé­pas­ser. La vie – comme l’art – ne doit-elle pas être une créa­tion conti­nue dans un étonne­ment re­nou­velé ? Arrê­tez-moi si je vous fais un cours, mes bons amis.

 – Z’est bien. Z’est très bien.

Style écale un œuf dur avec délicatesse.

Le zenz de la vie ? 

Le mécanicien quantique admet qu’il connaît le sens de la vie. Ses lèvres très fines s’écartent comme s’il s’apprêtait à  hurler – ou à mordre.

– Très zimple, cher monzieur, le zenz de la vie z’est la Vie ! 

Style gobe l’œuf.

C’est ainsi – au cours de longues veillées de médita­tions – que la théorie quan­tique des tourbillons est mise à l’épreuve des processus dissipa­tifs.

 

[à suivre]

 

 

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