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Publié par Michel Castanier

conte fantastique
[de Jack Sock ?]

 

Fiodor Antonovitch Verkho­vensky

 

La prunelle gigantesque enchâssée dans le plancher dispa­rut sous l’impact. Le réfectoire résonna et trembla des chocs de coups de poings souterrains. Les tables et les bancs tressautaient dans tous les sens. Le jour­naliste courut hors de la salle, se retourna sur le seuil. Un orphelin débusqué de sa ca­chette sous une table se précipita à sa suite. Un poing gigantesque traversa un mur et s’abattit. La tache rouge au sol avait le diamètre d’une pizza quatre sai­sons.

Fiodor ne le crut pas, il ne le crut tout simplement pas. Il se passait quelque chose d’apparemment démentiel dont il n’avait pas les clés, des clés aussi ba­nales que le bon vieux passe d’Ivan qui lui permettait d’entrer dans l’asile. Il claqua la porte derrière lui et courut. Le sol de la cour lui-même était si se­coué qu’il tomba de nou­veau sur les ge­noux, pris d’un fou rire nerveux.

La popote ! hurla-t-il. La popote ! La popote en folie !

La porte du réfectoire sauta comme un point noir sous la pres­sion. Le jour­na­liste détala à quatre pattes sur quelques mètres dans le brouillard. Il était hi­lare quand il se re­mit de­bout. Il avait même imaginé une main monstrueuse qui pas­sait lou­verture du seuil à sa poursuite. Quelle idée ! Il se ressaisit, ou le crut.

Je veux dire la cantine ! Elle a faim !

Vous êtes sûr d’aller bien ? dit Berthe arrivée à ses côtés, les mains dans le dos.

On ne peut mieux mieux ! On ne peut mieux mieux ! On ne peut mieux mieux !

Ce que vous faites là, vous pouvez me l’apprendre ?

Pas de problème, ma grosse bêtasse.

 

Le journaliste cessa de lui tripoter la tête, mais du coup il la perdit de vue dans le brouillard qui s’amplifiait. Il ressentait toujours des fré­missements de bonne humeur. Sans doute l’irrationnel l’avait débordé, pour cette fois. Il devait s’expli­quer ce qui s’était passé : une cantine qui inverse ses fonctions ce n’est pas cou­rant. Il chercha Berthe en glous­sant, une ombre s’interposa, il lui attrapa la main afin de ne plus la perdre (une main qu’il naurait jamais crue ni si grande ni si râ­peuse) et il ga­gna à tâtons labri dun pa­vil­lon muni de trois pe­tites marches, le dor­toir des aliénés, où il sassit pour dis­cuter raisonnable­ment de ce qu’il con­venait de comprendre dans cette affaire absurde.

Un hologramme, bien sûr ! L’entreprise de colorants du baron Karl a dû se diversifier ! S’adapter à la modernité ! Quel génie, ces ingénieurs ! Il doit y avoir dans le coin un labora­toire secret de recherches vidéographiques de réalité virtuelle E3. Pourquoi secret ? Pour­quoi pas secret ? Hein ? Pourquoi que pas ? Pourquoi que pas ? Pourquoi que pas ?

En­core saisi dune euphorie qu’il ne sexpliquait pas, une sorte débriété idiote, vague­ment nerveuse, il se tapa la cuisse, hurlant de rire. Berthe posa sa main sur le ge­nou du jour­naliste. Elle se voulait sans doute apaisante mais il re­marqua distraite­ment com­bien cette main était tout de même énorme, cou­verte d’une sorte de gant rugueux, et il trouva bizarre son odeur de formol et de myrrhes. Il ne se con­naissait pas non plus des jambes den­fant. Il se tourna avec un grand sourire vers Berthe.

Une momie était assise à ses côtés.

Fiodor se lécha subrepticement les lèvres.

Vous pouvez lâcher mon genou ?

 

 

 

[à suivre]

 

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