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Publié par Michel Castanier

satire comédie littérature autobiographie autofiction portrait fragment sotie pamphlet
[L’image est d’Eliott Erwitt]

 

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Le Complexe de Livingstone


 

Nos sociétés civilisées meurent de la perte du Mys­tère.

On se tourna en bloc vers Balibar. Jamais nous n’aurions cru qu’il puisse exprimer le fond du problème. Ce malaise qui nous tourmente. Cette nostalgie diffuse qui nous serre le cœur, ce sentiment métaphysique de l’irrémédiable incomplétude des êtres qui …

C’est pourquoi le merveil­leux fait re­tour par ses sous-produits : l’as­trologue, les morts-vi­vants, les aliens, les people, les mi­grants, les prosé­lytes d’Allah.

Il est à craindre que ces derniers – ces morts-vi­vants-là et leur mythologie – n’aient de l’avenir.

On sait que le Migrant est pour certains la nouvelle fi­gure du Héros proléta­rien – pur de toute tache et por­teur de lende­mains qui chantent : autre forme du goût perdu pour le fan­tas­tique. Que ces Créatures théophores soient surtout por­teuses d’une grave régression des mœurs n’ar­rête pas les nostal­giques du passé ré­volution­naire.

Leur goût pour les contes de fées leur vient du ber­ceau, il est plus fort que la raison.

Je me sou­viens d’un jeune Congolais qui m’avait ap­pris avec fierté épouser « une blanche ». Quelques mois plus tard, natura­lisé français par ses noces, il se plai­gnait qu’il y ait trop d’étran­gers dans notre beau pays. Il faudrait faire quelque chose, ajou­tait-il, l’air grave.

À peine au pa­radis, il fer­mait la porte derrière lui ?

Le Mystère n’a qu’un temps.

Monsieur Eros touillait dans son verre un dépôt de glaçons semblable à de petits icebergs éclairés par le soleil.

Dans le cratère du volcan il y a un lac et au milieu de ce lac il y a une île. Dans l’île il y a un bassin. Dans le bassin une statue de femme versant de l’eau.

Pardon ?

Un proverbe de mon pays.

Caissargues ?

Il finit son verre et se leva.

Ce qui donne une femme dans un bassin dans une île dans un lac dans un volcan.

 


 

Vrai Classique du vide parfait


Je lisais Lie Tseu dans un coin du bar, à une table ronde en marbre.

Dans les premiers temps de mes visites à ce lieu mal famé, j’avais vu la salle dans son entier sans rien remarquer de parti­culier.

Peu à peu j’avais vu le particulier : le patron, madame Ines, les habitués, les chaises cannelées, le pot de cactus au bout du comptoir, près de la caisse.

Aujourd’hui j’étais le Bizarre.

La conversation monta d’un ton et brisa comme une biscotte ma méditation.

Pour ma plus grande sur­prise, mon ami Schopen­hauer, ce grand ta­quin, qui laissa tout son hé­ritage à son caniche, estime qu’il puisse y avoir des actes désintéres­sés.

Et donc un cer­tain don de soi ?

Sans doute les seules bonnes actions le sont-elles malgré nous. Sans y songer.

Avez-vous re­mar­qué comme l’empa­thie nous amène à consi­dérer autrui ainsi qu’un autre soi dont les souf­frances sont nos souf­frances ?

Je peine à y croire.

Agir pour son bien sera dès lors soula­ger notre dou­leur – nous enle­ver une épine du pied.

Notre pro­chain comme épine.

Crépon comme épine.

Chris­tique, n’est-ce pas.

Ce­la n’enlève rien au Mys­tère de la sympathie.


 

[à suivre]

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