ORION – IV Le Baiser de pierre 3
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Mais j’oublie la morte qui rêvait sur la terrasse. Kevin se dévoua pour prendre le 4/4 du domaine et aller prévenir la gendarmerie.
Le village de Merluchon et sa célèbre cave vinicole n’était pas si loin. Même de Chine, d’ailleurs, où le vin, après un passage dans les vignobles bordelais, était traité avant d’arriver à la coopérative par tankers le long du Rhône, puis par chemin de fer, j’aime ce mot. La planète est un petit centre commercial dans un des bras spiraux de la Voie lactée, un peu à l’écart, à gauche.
Le 4/4 démarra, non sans gravillons, boucan et fumée – un aileron de requin dans l’écosystème cosmique.
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Le brouillard se leva avec les premières chaleurs. Du moins je suppose que la chaleur y fut pour quelque chose : de vagues souvenirs de Maisons & jardins. Il est vrai que la vie du square en face de mon immeuble parisien m’avait suffi comme microclimat, je n’avais d’autres soucis que de consulter le baromètre de mes propres changements d’humeur.
– Et donc …
César Brenand était de ceux qui font mon étonnement, car ils suivent une idée après l’autre.
– Et donc, si ce n’est pas un suicide …
Personne n’osait regarder la morte. Ce baiser de pierre, quelle probabilité ? Finir en éclaboussures est un drôle de sort. On aimerait mieux terminer. De préférence éviter la rencontre d’un camion de fruits et légumes. Le choc ne fait pas sérieux. La vie vous a de ces coups de pied de l’âne !
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Le fun, pour Marie, était d’être enfin reconnue dans la rue. Elle le méritait. Elle ne le serait plus. Comme je le disais, Berjot officiait au service météo – ce fourre-tout – de Tf1, son visage était aimé, on le regardait plus qu’on ne l’écoutait. Elle le savait, s’en accommodait, ses amants l’appelaient Pas le visage ! Où tu veux mais pas au visage ! J’exagère, ils l’appelaient Gros Nimbus et l’aimaient bien. Elle donnait ses rendez-vous dans une salle SM à proximité de la Samaritaine. On y trouvait de tout. La vie a de ces coups de pied de l’âme !
La pieuvre rouge prenait à présent l’empreinte de mes semelles.
[à suivre]