ORION – XI Trekking 2
4
Je longeai plusieurs fois la palissade, enfin me décidai et poussai la barrière, qui ne résista pas, qui céda comme un corps sous l’amour. La porte du pavillon n’était pas fermée. Je suis entré dans un vieux corridor en bois avec ses patères où pendaient des imperméables, des gibecières et des vestes de chasse. Un tapis de corde sous les bottes. Les parapluies dans une amphore de terre cuite. Un miroir où je me suis regardé. Je n’y ai trouvé que mon reflet et la fuite furtive d’un pan de robe verte.
Je suis monté à l’étage par un escalier qui craquait sous mes pas et j’avais l’impression d’aller à reculons dans le Temps.
C’est par la grande glace rectangulaire d’un buffet où se reflétait la salle à manger que la fillette est passée sans me regarder.
Elle courait.
J’ai marché au hasard dans les pièces.
Elle est repassée par la vitrine d’une petite bibliothèque en noyer.
J’avançais parmi les présences pensives d’un vieux mobilier.
Le reflet de l’enfant s’est courbé autour du verre oblong d’une carafe d’eau.
J’ai grimpé un nouvel escalier de bois. Il n’était pas de surface réfléchissante où je ne retrouvais sa présence fugitive.
Devant ce qui devait être le lit conjugal elle était immobile et tournait le dos dans le miroir ovale d’une coiffeuse en bois de rose.
5
Je découvrais de nouvelles pièces, pas bien grandes et qui sentaient la lavande en sachet et la cire d’abeille.
Il arrivait que l’enfant pleure, la tête dans ses mains. Des larmes silencieuses. Solitaires.
Une fois, elle me fit face, elle devait se contempler dans son propre reflet mais, à mon arrivée, son front s’est baissé, ses yeux étaient indiscernables.
Je suis monté au grenier.
Elle y réfléchissait.
Je suis descendu à la cave. Un vieux miroir en pied, fêlé, était accoté au congélateur hors d’usage. Son reflet s’y brisa.
Quand j’ai quitté la maison elle m’attendait dans le miroir du corridor, là où l’on vérifie sa tenue une dernière fois avant de sortir pour une soirée, pour un rendez-vous, pour la vie.
Je ne peux pas affirmer qu’elle m’ait vraiment attendu.
Le petite fille était là, tête détournée.
J’ai su que je l’abandonnais.
Je pensais à la solitude de Méduse, la grande détresse de ne pas pouvoir regarder quelqu’un en face, son regard m’aurait tué.
[à suivre]