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Publié par Michel Castanier

Fiction mystérieuse, Satire, Comédies, Personnage de fiction, Roman d'aventures, Nouvelle, Littérature, romans policiers, Prose, Récit, Fantastique, Comédie dramatique, Humour, Roman (littérature)
[Auteur de l’image introuvable]

 

 

Un tourbillon de poussière à l’horizon

 

1

 

– Je sais qui est l’assassin.

Grâce soit rendue à Dieu et à Carrefour City ! nous al­lions enfin reve­nir à nous-mêmes et ce serait la fin de cette nuit de l’âme et notre vue s’éclaircirait. Je finissais par tourner mystique. À cet égard la prison y aide, une Ascension dans les nuages serait une sacrée évasion.

La journée s’était passée dans une impatience que nous n’avions pas connue depuis long­temps, au moins depuis une cer­taine file d’attente pour le premier concert de Claire Lempereur, je ne parle que pour moi. Léo avait regagné son siège et Aloysius avait dis­paru. 

– Et donc ?

Claire nous exposa son hypothèse en me regardant obstiné­ment, comme si elle me défiait de la contredire. Elle se basait sur l’idée que ce n’était que la dernière des crises d’« apnée » à la­quelle nous avions assistée : Aloysius avait eu d’autres syncopes, probablement dès son arrivée à la ferme, sans que nous n’en sa­chions rien, probablement dans son sommeil – moment par ex­cellence de ces troubles respiratoires.

– Dans les remontées depuis les abysses, le cerveau d’un na­geur qui ne ména­gerait pas des paliers de décompression subirait une invasion de forma­tions gazeuses. Une bulle dans le sang est montée à l’esprit d’Aloysius dès sa première crise et a commo­tionné le cerveau en éclatant…

 

 

2

 

Voilà qui confirmait comment l’imagination est la seule li­berté humaine. Je résume. Croyant être mort au cours d’une ap­née fatale, il se serait pris pour un ressuscité. Or, il n’y voyait aucun avantage mais, consubstantiellement dépressif, bien des inconvénients. La vie n’avait vraiment rien d’un miracle pour Aloysius. Le publicitaire ne s’estimant à cet égard pas particuliè­rement privilégié, loin de là, niveau de vie ou pas, il en aurait conclu qu’à son égal, tout être sur terre avait été d’abord sous terre et n’en savait plus rien.

Dès lors, il se donnait pour mission d’être le Sauveur. L’esprit désorganisé, ceux qu’il avait tués parmi nous, il les avait seulement rendus à la raison.

Bon.

Ce pourquoi on décida qu’à la tombée de la nuit les portes et les fenêtres de la ferme se­raient hermétique­ment closes. Il se pou­vait qu’entretemps nous soyons guéris, mais pas tout le monde.

 

 

3

 

Nous avions félicité chaleureusement notre détective privé, mais rien là-dedans n’expliquait la désertion de Merluchon et l’état des communications, ce qu’on se garda de lui faire remar­quer, par obligeance.

À un moment, Claire et Sara discutèrent avec animation dans un coin de la terrasse des pins. Ni Pierre ni moi n’allèrent nous en mêler, c’étaient des his­toires de filles, cela fait peur aux gar­çons, ils devinent bien qu’ils n’y sont pas formidablement bien traités, en tout cas pas autant qu’en tête à tête avec elles, ou en tête à queue. Elles se distribuaient sans doute les rôles.

– Le féminisme a perdu Zaza, me dit Pierre, toujours perti­nent.

– Quoi ?

J’allais le gifler pour de bon.

– Elle m’a confié que Dieu était une femme.

– Une blonde ?

Un sourire éperdu flottait sur le visage de Pierre et ne s’attar­dait à rien. Je pensais que la saoulerie est parfois un état incantatoire : l’alcool parle par la bouche de l’ivrogne. L’ef­fet en est désastreux pour l’hypocrisie et ses subalternes : le men­songe et l’omission. De même un sourire parlait pour Pierre. Il y avait mis le temps mais le sourire prenait le dessus.

Soyons plus raisonnable, il s’agissait d’un tic, et le tic a une activité auto­nome, parfois il se reporte ailleurs sur le visage, il se déplace, et le visage à sa suite change d’expression, de caractère, n’est plus reconnaissable, la person­nalité suit, elle n’est jamais très assu­rée, elle est brouillonne, elle est un tic.

Pierre eut un tressaillement qui m’alerta.

On vit arriver du fond de la pommeraie un homme qui courait.

 

 

[à suivre]

 

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