1001 Vies (742) : RUINES-DE-ROME – 30

Lui – Figure-toi qu’il est des lecteurs, sans doute cultivés, pour me repro­cher d’être un écri­vain du dix-neuvième siècle conservé dans la glace. Laisse-moi rire !

J’attendis avec patience que Chausson ait fini de rire.

Lui – Hibernatus a un langage archaïque, les idées conserva­trices, les phrases trop longues, la com­préhension com­pli­quée, le ton vieillot !

Moi – En effet, tes pages sortent à la queue-leu-leu en gilet, avec gousset et gibus, d’une calèche devant l’auberge du Lion d’or.

Lui – Que j’aie récemment traité de bar­bélo­gnos­tique une blo­gueuse qui s’imagine critique littéraire, ce se­rait peut-être l’oc­casion de consulter le dic­tion­naire, c’est fati­gant. S’agit-il d’ac­tualiser les méta­phores ? Il ne semble pas qu’entrer dans les toi­lettes avec la rapidité du missile sol-air soit plus ex­pressif qu’en sortir avec la vitesse d’un carreau d’arbalète.

Moi – Si tu ai­mais une femme qui fût blonde comme les blés avant la Révolu­tion française, ne la rendrais-tu pas plus heu­reuse en la disant jaune comme une ca­mion­nette pos­tale ?

Lui – Bref, chez moi rien de l’aimable foutoir habituel. D’un ton familier qui se veut « actuel ». Ou du point de vue des tour­nantes en zone sensible. Rien de l’aménage­ment IKEA du mobi­lier des pages où se trouve toujours un adjec­tif en trop. Rien du vocabulaire et de la fiction passe-partout qui fa­cili­tent tant l’échange (vente de la mar­chandise-livre : dé­pôt de le marchan­dise dans la bibliothèque : ba­layette à poussière)…

Il eut une sorte de sourire rentré qui ne me convenait pas du tout. Il est peu probable que Chausson, pour des rai­sons poli­tiques, crimi­nelles et surtout esthétiques, soit jamais jeté dans une geôle – mais je ne sou­haite à per­sonne qui rirait à ce mot désuet, de se retrouver dedans : sait-on jamais ?

[à suivre]