Chronique du rat (28) Le Message de l’écrivain

Écrire ce n’est pas nécessairement dire ce qu’on voudrait.

C’est parfois dire le contraire.

Ou dire n’importe quoi.

Peu importe. L’écrivain retombe toujours sur ses pieds. C’est le lecteur qui lui apprend ce qu’il a dit. Ça alors ! J’ai dit ça ?

Il dit aussitôt, émerveillé :

– Je suis un passeur.

Il s’est compris.

– En effet, passe-moi le sel, lui dit Antoinette (ou Sandra ou Maurice).

Une si navrante platitude ne le décourage pas. Il le sait, c’est son destin : aucun tourment n’est épargné au génie. Il vous explique patiemment ce qu’il en est de son sort. Pourquoi se plaindre ? Son œuvre est un dispositif. Ou un appeau. La description du soleil couchant dit quelque chose de l’âme de l’écrivain ? Certes. Mais tout autant de l’âme du lecteur. Chacun son coucher de soleil.

– On n’est pas une société ratière, que diable !

Ce qu’il voudrait dire est que l’écrivain est la preuve de l’existence de l’individu. Donc de Norbert Gourdon. Et c’est pourquoi le meurtre est un scandale. Et votre fille muette.

Nous ne parlerons pas de la vie sexuelle de votre fille, par discrétion.