Chronique du rat (33) Une pensée de Norbert Gourdon [blog de la Société des lecteurs de Norbert Gourdon]
Au Camping de la pinède, où fleurissent les tentes et les mobil-home, à proximité des calanques, Norbert Gourdon s’étire sur le seuil de sa mobil-home par ce petit matin dont la bonne humeur promet une splendide journée.
Un ruisseau glousse dans les bruyères ; une vieille Underwood qui date de l’enfance de notre écrivain public – lourde et noire, digne des machines infernales que faisaient exploser les anarchistes au temps où le terrorisme était un sport de gentlemen – est posée dans l’herbe en guise de nain de jardin.
Comme il nous le dit dans son style impeccable, quand ce fin observateur de la condition humaine accepte de commenter l’avenir du monde :
– La pensée du Genre humain s’étire le cou – sa tête pivote à la moindre alerte comme une roue bouge sur son axe. Ce n’est pas vraiment elle, bien sûr. C’est la folie, bien cachée dans la pensée, qui a toujours rôdé à même la discipline de la pensée où elle abîme des secteurs si minutieusement préparés. Elle est fine, à sa façon, très fine, elle va prendre de vitesse le bon sens.
Norbert Gourdon, avant de refermer sur lui la porte de son mobil-home, a un rire de cheval.
Hamac d’osier effondré dans l’herbe touffue devant les sanitaires ; balançoire ; appentis d’horticulteur du côté de la palissade en racines de réglisse qui enclos les lieux ; chuchotis déçus de notre entretien à notre départ ; une grenouille en coassant saute au trampoline sur un nénuphar ; le ruisseau bruisse en contrepoint de nos murmures, perdu au fond d’une anfractuosité du sol.
La porte se rouvre avec fracas.
– C'est étonnant comme l'esprit progresse par petits sauts ! Exactement comme une grenouille ! Entrez donc ! Je vais vous faire lecture de mon dernier ouvrage …
Nous nous bousculons déjà à la porte de la clôture.
– Bande de bols alimentaires !
On ne le revoit plus de quarante jours et de quarante nuits.