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Publié par Michel Castanier

Dieu nous parle

Dieu nous parle

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Ces gens me fatiguent.

Si je suis colère, ils n’écoutent pas. Gentil, ils en profitent. Je les ai dotés à leur naissance du plus beau des dons : ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils en sont venus à ne même plus savoir ce qu’ils veulent. C’est mon côté fée Carabosse.

Est-ce une erreur de casting ?

Un monde d’insectes serait-il préférable ?

Ai-je moi-même su ce que je faisais ?

Dieu, qui peut tout, peut douter.

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Il est vrai que je suis un créateur, qui le contesterait ? Un esthète ne sait jamais tout à fait ce qu’il fait, ce sont les autres qui le lui apprennent.

Je vais vous raconter.

Dessine-moi une Création, m’avait dit un mythomane qui se dit mon fils. Je n’aurais jamais dû être si aimable pour faire plaisir au petit.

C’est là l’origine du monde. Un enfantillage, une bêtise.

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J’ai un peu hésité avant la Création, oui hésité, car Dieu, qui peut tout, peut hésiter.

Je n’ai aucune imagination. Imaginez si j’en avais ! C’est mieux ainsi : vous passez votre temps à vérifier mon imagination. Celle que vous me prêtez. Cela vous distrait mais c’est la vôtre que vous mesurez.

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En revanche, j’ai toujours eu du goût pour les contrastes. Ils sont le sel de la vie. Le noir, le blanc, le bien, le mal, le sel, le sucre – vous voyez le genre.

Il y a ainsi dans votre espèce ceux nés pour faire foule, comme aime à dire Honoré, un collègue à moi : à nouveau c’est un certain manque d’imagination, je le confesse, on ne se lève pas toujours du bon pied. Mais si l’on veut qu’il y ait des pics, il faut qu’il y ait des vallées.

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S’adresser aux hommes est compliqué. Leur taux d’attention, si on leur fait un sermon, est de 10 %, leur compréhension encore moindre. Le mytho a pu en témoigner sur le mont des Oliviers.

J’aurais pu faire mieux, mais cela aurait été moins amusant. La marge d’erreur colossale que leur inattention implique est alors très inventive – une création dans la Création.

Erreurs, malentendus, quiproquos, incompréhensions, développent d’eux-mêmes bien des processus de menus évènements, d’intrigues passionnantes, de joies intenses ou de grosses catastrophes.

C’est ce que j’appelle leur liberté. L’humanité a été un coup de dés bien distrayant lancé (hop !) dans le cosmos et dont j’observe sans fin les effets multiples et les conséquences exponentielles. Que de romans, de drames, de comédies ! L’aventure humaine est mon succès.

Elle est aussi mon échec.

Je vais vous raconter.

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Une fois ma Création mise au monde, il m’a semblé qu’elle n’allait pas sans critiques, contrairement à ce qui a été dit.

Quelques retouches. Assez peu.

Apparaître aux hommes pour préciser deux ou trois trucs ne leur a pas plus réussi qu’à moi.

J’envoyai de bons amis qui ne furent pas toujours bien accueillis.

Et même mon fils adoptif, ce doux hurluberlu, en a bavé.

C’est alors que je me suis dit : laissons-les à eux-mêmes. Vivons caché.

Et où être mieux caché que parmi les hommes plutôt qu’au ciel où les nuages sont assez inconséquents ? Sauter sans cesse d’un cumulus à un nimbus fatigue. Je ne suis pas un mouton.

Donc caché parmi les hommes. Etre comme eux, faire comme eux. Etre heureux, quoi. Pari risqué. On m’a pris au mot.

Je vais vous raconter.

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Dieu, qui peut tout, étant ce qu’il est, je prends un P2 au centre-ville (on ne se refait pas) d’une bourgade provinciale paisible : un « lac de tranquillité ». Je paie mon loyer régulièrement, je déjeune d’un croissant tous les matins à une terrasse devant ma cathédrale, je plaisante avec les gens du cru, j’ai un chat siamois que j’appelle Satanas, pour rire, je possède un compte Facebook et je pense bientôt activer mon propre blog. Une start up ? C’est beaucoup me demander. Je ne suis pas bon en calcul.

Et voici qu’à force de n’avoir l’air de rien, plein de bonne volonté, j’ai été pris au sérieux ! Voyez-vous-même : aujourd’hui, on ne me reconnaît plus dans la rue. On me confond dans la foule : je fais foule. Je fais tapisserie. Je fais bavure, on me tait. On ne me voit même pas à la télévision. Et comment être sûr d’être si on ne passe pas à la télé ? On me prête même d’être mort. Je le saurais, tout de même, si j’étais mort.

A ce point, je n’ai pas demandé.

Cela tient-il à mon grand âge ? J’ai dit aujourd’hui mais c’est toujours aujourd’hui pour moi. Le temps ne compte pas. Tout est d’un coup, y compris moi. C’est seulement pour me mettre à votre portée que j’use de conjugaison.

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Me voici donc égaré dans le monde. Un personnage parmi d’autres. Si ce n’est quelques olibrius pathétiques qui me confondent avec mon cousin psychopathe, le vieil Allah, je ne suis plus reconnu. Je suis même méconnu. Je n’ai pas l’habitude. Mon ego en a pris un coup. Le prozac n’y suffit pas. Je sens que je vais faire une petite dépression.

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Je mens un peu, ici. Soyons vrai comme j’aime à l’être. En fait, je suis dépressif de tout temps.

Si j’étais né, je dirais je suis né dépressif.

Et anachronique.

Est-ce une vie ?

C’est pourquoi, depuis peu, un problème théologique m’agace les gencives. Il n’est plus personne chez les hommes pour me renseigner, ou personne de fiable.

Je vais vous raconter.

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Dieu, qui peut tout, peut-il se suicider ?

J’ai un gros doute.

En attendant votre réponse, j’en suis sûr compétente, je vais manger ma soupe.

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