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Publié par Michel Castanier

La merveilleuse Autobiographie autofiction humour fiction
Fatigue - John Brosio

 

Au comte Sigisonge

 

Mademoiselle de… Il me revient quelques gestes plus que les expressions, une main fine qui s’éloigne de mon coeur, un sac envoyé d’un coup d’épaule sur le dos quand elle descend sur le tarmac d’Orly. Fâcheux, ce souvenir de la petite amie perdue après mes pas (leurre d’un temps insoucieux). J’avais une chienne à cette époque, un berger belge blond comme ma dulcinée, que je vénère. Nous partagions la même maîtresse, aristocrate tourangelle délicatement timbrée. Il était dit de ma chienne qu’elle était un lupoïde rustique bien qu’élégant, nécessitant peu d’entretien et toujours prêt à l’action. Je m’y reconnaissais – surtout pour ce qui est des mêmes yeux fiers et alertes. C’est ce qui a dû nous rendre attachants. Quelque temps.

Ai-je connu plus grand amour (je parle de ma chienne) ? Plus d’indulgence, plus d’affection obstinée pour moi, quelles que soient mes humeurs et nos contradictions ? Son égoïsme (je parle de notre maîtresse) fut si grand qu’elle t’a ravie à moi, ma velue, sous un prétexte ridicule. Mademoiselle de… partait pour les USA et je ne saurais te garder, selon elle, moi qui t’avais tenu compagnie tant de fois, amusant notre douce solitude de petits jeux de balle et de bâillements prodigieux !

Tu fus confiée à une amie. J’ai su que tu étais morte allongée sous un châtaignier. Un châtaignier ! Cet arbre d’où est extrait mon nom. Tu es morte à mon ombre et je suis sûr que ton dernier bâillement a été pour moi, ma Jalousie.

Jalousie ?

Je vous ai dit que cette fille était cinglée.

 

L’homme qui rétrécit. Perdre confiance en soi est être seul comme on ne croyait pas l’être (pas à ce point). Ne plus croire en soi est reculer au fin fond de l’univers dans ce petit coin où on ne savait pas subsister. Croire en soi était être aux dimensions du monde. Une réduction vertigineuse s’opère. Le monde est quand vous n’êtes plus. Votre présence vous cachait le monde. Vous le peupliez à vous seul. Il n’y a plus de recours. L’univers est une cosse vide remplie de vent. Ce dessèchement n’est même pas altéré par l’absence divine. Le désert est là. L’absence de chemins. Vous êtes ce que vous avez toujours été et dont vous ne saviez rien. Vous êtes poussière.

 

Mais voici que la poussière se soulève et tourbillonne et se reforme et vous êtes le Golem qui écrit dans le sable.

 

 

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