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Publié par Michel Castanier

satire comédie littérature autobiographie autofiction portrait fragment sotie pamphlet
[Van Gogh]

 

Jean & Jean, souliers de satin 

 

J’apprends que l’inventeur du téléphone préconisait de sté­riliser les sourds-muets.

C’est tout à fait logique.

Tant de co­hérence touche.

C’est dans l’esprit de la technologie.

Ses bienfaits – rationalité, inventivité, volonta­risme – ne cesseront plus de nous surprendre.

À ce sujet. Je suis de ceux qui considèrent qu’éliminer les pauvres serait aussi régler le problème de la pau­vreté.

C’est rai­sonnable.

– Votre côté techno.

Je n’y connais pas grand-chose, mais un petit tripatouillage dans ce serpent de mer qu’est l’ADN est de plus en plus à notre portée.

Segmen­tons, trions, étiquetons, découpons.

Eradiquer le gêne de la pauvreté ne concourrait-il pas au bien-être général ?

On ne peut attendre aucune beauté de la part d’un monde où règne ce haut mal de l’indigence.

D’ailleurs, la paix sociale y gagnerait.

Nous serions moins nombreux dans les rues et les bons caractères affirmeraient leur prépondérance.

Car la misère rend méchant.

______

 

Si on peut détourner les orages grâce à une bombe ato­mique, que ne peut-on faire de la démographie galopante dans des pays dits en voie de développement qui doivent proportionner le nombre des procréations au risque de la mortalité infantile.

Autant dire bourrer au maximum les maternités, à tout hasard.

Ce sont mœurs d’avant la Révolution française, quand ce bon JS Bach se ré­jouissait benoitement dans son petit presbytère au milieu des campagnes sinistrées : tant de gosses morts de maladie ou de faim, tant de cantates.

Qu’en est-il du pauvre ?

On en dit d’honorables qui n’abandonneraient pas nécessairement leur bébé affamé sur une aire d’autoroute : un encombrant finira par sentir et gênera les joyeux pique-niqueurs.

Ils auraient leur di­gnité.

Je veux bien le croire, mais, puisque nous sommes entre nous, je le chuchote : n’ayez aucune confiance dans les misérables.

Des êtres qui ont eu la malchance de naître dans un quartier sensible (sensible !) n’ont eu aucune foi dans la vie.

C’est avoir du goût pour le mal­heur et présage mal de l’avenir : on ira droit dans tous les murs.

Le pessi­misme est le commencement du crime.

Je préconise pour l’instant l’avorte­ment préventif.

L’individu est irrempla­çable, je l’admets, tant qu’il est interchangeable.

 

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