JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 1001 vies (452) : 8 juillet

[l’image est de Pentti Sammallahti]

8 juillet

Honnêtement, commença le leader politique, et nous avons tous su qu’il allait mentir.

De même ai-je pu honnêtement prétendre aimer, en tous cas je le supposais à considérer le comportement de mes amis, et surtout selon ce que je voyais au cinéma, qui était intéressant et enviable et que j’imitais du mieux possible, il aurait été ulcérant de passer à travers, personne ne l’admettrait, aucun d’entre nous n’est si démuni qu’il n’ait jamais été aimé, ou pire, n’ait jamais aimé, j’ai même vu des couples invraisemblables et j’en étais heureux pour eux, j’estimais que Dieu faisait bien les choses, avec bonne humeur, d’ailleurs je voulais bien être ce singulier avec sa singulière, du moment qu’ils étaient si joyeux ou portaient en eux comme un enfant toute la discrète jubilation du premier matin du monde, et pour cela il fallait jouer le jeu, en être et surtout en parler aux amis, il fallait faire semblant et on finirait bien par aimer, il fallait dire Je t’aime à tort et à travers, ça impressionne, elles se croient concernées, alors on ne sera jamais quitté et si on était quitté on souffrirait spectaculairement de celle qui nous a quitté, ou ne nous a même pas remarqué, celle qui a joué aux osselets avec notre colonne vertébrale.

Une seule fois, car cela ne peut être qu’une fois et parfois ne même pas arriver sur plusieurs générations, une fois je sus que j’aimais et c’était l’étonnement d’entrer par effraction dans une maison inconnue, en visiter les pièces, admirer le mobilier, s’asseoir au salon, être chez soi avec fierté et n’y pas habiter avec tendresse, en sortir et y rentrer à plaisir plus qu’à volonté, maison du voleur où ne voler rien, car tout est au voleur et rien ne lui est. C’est respect, abandon et protection des lieux. La clé en est le don de bonne humeur, assez peu distribué par les fées et si rarement partagé dans les couples, alors que ce partage même est l’amour, car dès l’amour, le vrai amour, tout est gaité.

J’ai marqué ma vie d’une pierre blanche.