1001 Vies (722) : RUINES-DE-ROME – 10
(Se dresser d’un bond au but de notre équipe, applaudir l’écran, le visage hilare, et pourtant avoir en soi ce fond de tristesse vague qui ne nous quitte plus. Même le sport nécessite un acte de foi.
Ma dernière crédulité m’abandonne. Que reste-t-il ? Même le plus déprimé des serials killers l’a compris : se pencher sur un autre que soi est s’oublier.
Faire le bien est obscène. Il faudrait être le bien. Le Mal ne m’a jamais convaincu. On sait finalement de l’agitation de monsieur Hyde qu’il agresse ce qu’il y a de plus respectable au monde : une petite fille et un vieux Lord. Admettons. S’en prendre à un vieillard paraît légitime. Quel mal y-a-t-il ? Il ne peut que l’avoir mérité pour toute la souffrance qu’il aura occasionnée au cours de sa trop longue vie, même sans y penser (le pire peut-être, pas même la satisfaction du plaisir accompli). C’est justice. La jouissance de brutaliser une enfant fragile et désemparée ? Seulement la honte demeurerait de ce scandale intéressant. La délectable douleur devant sa surprise et son désarroi immense ne me sera pas donnée. Il y faudrait une santé que je n’ai pas, que je n’ai jamais eue. Une sorte de confiance. Une confiance en soi. Dans l’enfant. Dans le mal. Le Diable n’est que dérisoire.
Ainsi n’ai-je plus beaucoup d’émerveillements à attendre. Étant déjà une absence, comment participer aux joies communes ?
S’en remettre à ce temps sans activité ou sans autres évènements que ceux qu’une vive imagination suggère. Que revienne l’époque heureuse où se réjouir de taper du pied pour que s’envole du square un pigeon ! Tant d’action sur le monde sera prometteuse. Ce sera mourir content, suivant des yeux le trajet de l’oiseau.)
[à suivre]