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Publié par Michel Castanier

 

Coulisses

 

Je ne suis plus du champ magnétique des séductions. Je ne participe plus à l’éparpillement affolé des billes de mercure sur le linoléum des tables d’auberges espagnoles. Expliquons-nous mieux. Un seul regard suffit à me lister. L’esprit coche aussitôt mes cases, un calcul rapide s’opère : solde et débit.

Qualité du regard : favorable, intense et même gênant, donc flatteur.

Maintien : convenable.

Etat général : mauvais.

Age : canonique.

Surface financière : déplorable au vu des tongs.

Taille : des orteils à la racine des cheveux, mesures d’un cercueil en carton bouilli.

Héritage : dettes.

Le regard s’écarte instantanément (se dérobe). L’examen infinitésimal se reporte ailleurs. À peine là, me voici oublié.

Clémentine arrive, rieuse, enthousiaste, me serre dans ses beaux bras, câline, chuchote.

Regard, le retour.

Interloqué, plus attentif, perplexe.

Révision rapide des colonnes de cases, réévaluation des données, amélioration nette bien que peu motivée.

Que me trouve-t-on, qui n’a pas été répertorié, une si belle femme, si jeune, cette opulence radieuse ? Quel est le secret de cet heureux vieillard ? Sa chance qui n’est d’aucune case ? Aurait-on gagné à soutenir son regard ? Aurait-on pris l’ombre (un mari décevant, un amant volatile) pour la proie : cet homme certes d’un âge vénérable mais de bon goût, amusant, aimant.

Le regard se baisse, perplexe, décontenancé, une incertaine tristesse, une solitude certaine. Un vague à l’âme. Ces choses-là sont-elles donc possibles ?

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