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Publié par Michel Castanier

 

L’Écrivain

 

Des plans inclinés munis de glissières ; des plaques tournantes pour les manœuvres les plus délicates ; des plateaux montants ; des rameaux de passerelles ingénieuses et des chemins de fer facilitent la propulsion de l’Auteur à grands roues de fer du haut en bas de la bibliothèque et permettent des pauses.

La machinerie qui l’articule n’a pas de visage. Un bouclier d’acier grossit d’un volume triple la tête invisible qu’il abrite. On ne distingue dans la mince ouverture du casque orthopédique qu’un lointain frémissement de l’ombre où les yeux disjoints ont une lueur pâle et farouche.     

L’Auteur est assis à son bureau riveté dans le sol. Il est éclairé par une veilleuse grillagée, clouée sur le plateau. Il complète son travail avec soin.

Le pauvre être établit des diagrammes complexes qui nécessitent de grands mouvements : ses coudes grincent affreusement. La machinerie – une invention étonnante – paraît porter son propriétaire ; il se peut qu’il soit tout petit à l’intérieur.

L’écrivain n’a besoin ni de lumière ni de nourriture ni de conversations. Il se suffit à lui-même. Il a ses listings, des cartes, des photographies aériennes, des plans et des notes de service. Les télécopieurs sont branchés en permanence, les imprimantes, les claviers. Les murs sont recouverts de téléviseurs branchés sur la totalité des chaînes d’information mondiale.

Il doit tenir à jour l’évolution de son roman. C’est une tâche qui réclame de la précision et une activité constante.

On est ou on n’est pas écrit dans son livre.

Il doit rendre compte.

Il doit nommer

décrire les Hauts Faits

les misérables forfaits

et ranger dans la nomenclature la moindre des extraordinaires créatures qui peuplent notre planète.

C’est son rôle.

Recension.

Classification.

Registre des genres, espèces et sous-embranchements, goûts et particularités, lieux de prédilection.

C’est écrit.

C’est écrit comme dans le marbre et il n’est rien qui n’ait sa raison d’être. Il reste à trouver – noble tâche – cette raison.

 

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