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Publié par Michel Castanier

 

 

 Livre vert pomme 

 

Alors qu’un sémiologue subtil passait sous une camionnette de blanchisserie rue des Écoles, ce lundi-là au marché couvert des Enfants Rouges, près de la place de la République, les légumes et les fruits brillaient dans la luminosité des ampoules électriques, accrochées par leur douille à des fils qui couraient le long des structures tubulaires des étals,

au-dessus des fronts rouges des marchandes.

« Mon existence est un roman », je disais, rêveur.

Il était considéré en général que j’avais une existence extraordinaire. J’en étais surpris. Je ne m’étais aperçu de rien. Dès lors, je concevais mieux la banalité d’être Sardanapale et combien Nabuchodonosor pouvait mourir d’ennui. Faut-il croire – je me disais – que des existences soient tellement pauvres que la mienne puisse leur paraître si peu commune – ou du moins si chanceuse ? Prêtent-elles au peu que j’en dis, ou qu’elles en constatent, une aura où je ne me reconnais pas mais qui est nourrie de leur peu de vie ? Il se pourrait simplement que la pierre de touche d’un riche vocabulaire suscite des mirages. Dès lors, comment ne pas estimer que le récit de mon existence plairait à un public scolarisé.

« Il est temps de m’incarner. »

Occupé à déguster une livre de fraises – les premières du printemps – mon ami Jérémie Landeau, garçon de bain à la pis­cine Molitor, approuvait distraitement.

Habitant le même quartier, nous faisions souvent nos courses ensemble, déambulant avec tranquillité d’un étal à l’autre, pai­sibles et ingénus alors que les maraîchers nous tenaient pour un couple,

ce qui m’avait échappé à l’époque.

 

 

[à suivre] 

 

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