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Publié par Michel Castanier

Où il ne se passe rien – 2

 

« Qui aime-t-on quand on aime, Romuald ? »

Une ombre arrive, elle tourne le dos au soleil qui auréole sa blondeur,

se pose à ses côtés,

bien droite,

jambes croisées,

si fine,

effilée comme une cigarette Vogue.

Il était logique d’allumer un cylindre d’antimite, de méthanol et de feuilles végétales finement hachées enveloppé dans du papier des plus minces et muni d’un filtre d’acétate de cellulose plastifié – autrement et mieux dit fistula nicotiana –, et d’en souffler longuement la fumée.

« C’est toute la question. On ne connaît d’une personne que des effets. Chacun – s’étant connu un peu – sait qu’il est nombreux. Nous n’en apprenons sur nous que par les autres. – Oh une grande, très grande, vaste et immense surprise ! Cette surprise est l’amour qui nous apprend à nous aimer nous-même.

Comment faire si on est sans amour de soi ?

Déjà notre voix nous est étrangère. Peut-être choquante. Le moindre enregistrement nous déconcerte. Il faudra apprendre à l’apprécier. Certaines y contribueront... 

(doux sourire d’Ariane)

– Notre odeur est merveilleuse, elle nous ravit, mais ce n’est pas l’opinion unanime. Sans doute nos ruminations mentales auraient le même effet consternant. La pensée brut émet des effluves assez peu raffinées, il faut la filtrer. Ce serait écrire mais peu écrivent et c’est pourquoi tant de mauvaises odeurs émanent des réseaux sociaux et de bien des livres pauvres qui nous corrompent, – mais évidemment il ne serait personne pour se reconnaître, puisqu’on ne se connaît pas, justement, et que pourtant on s’aime mal, donc éperdument.

– C’est bien ce que je craignais ... »

La gentille fit son petit rire de farfadet. L’éclat de ses mignonnes dents était pur bonheur.

« Je t’imagine volontiers réaliser ton autoportrait, dit-elle. Tu parles bien, ou plutôt tu ne parles bien que de toi – à travers d’autres que toi. »

Guss ne savait d’où lui venait cette association d’idées mais, connaissant Ariane, croyait-il, il était assuré de son bon sens.

« Il est difficile de se raconter sans aller à la rencontre de sa propre légende, Ariane ma joie. Un footeux en finale de la Coupe du monde, s’il se met à penser, seul devant le but ouvert – moment métaphysique par excellence : Au fait, qu’est-ce je fous là ? dès lors sidéré, il n’est plus lui-même mais une idée de soi, il n’est plus nature, fait le beau, se parodie dans des jongleries jusqu’à la caricature, il oublie le but, le match est perdu. »

Les métaphores footballistiques n’enchantaient pas sa belle amie et aussitôt, sans savoir trop ce qu’elle faisait mais le faisant si bien, elle botta en touche.

« Tu devrais tout de même essayer.

– Qu’est-ce que je fous d’autre ? »

 

 

[à suivre]

 

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