La Vie au bureau : vie de Cornélius, l’Homme d’en bas
Il y a un coup sec, suivi d’autres coups sous terre (ils ne sont pas vraiment perceptibles mais la pelouse dans le patio des bureaux remue par endroits), inégalement espacés, hésitants, comme le tâtonnement d’une canne d’aveugle. Quelque chose cherche à sortir.
Un long visage blême apparaît au ras du sol, sous les plates-bandes du réséda.
L’incomparable Cornélius, l’Homme d'en bas, ayant enfin trouvé une issue, surgit de terre, les yeux à peine pigmentés à cause de ses nombreux séjours souterrains.
Donnons une idée succincte de cet ami du noyau central.
Les employés de bureau – soucieux d’accomplir de grandes performances spirituelles – ont toujours ajouté à la complexité rêveuse de leur métier un certain goût de l’extrême. Cornélius n’exerce ses propres talents qu’en dessous du niveau du sol : reculant les limites de sa volonté de puissance, il propage ses sombres méditations parmi les rumeurs de la terre.
Enfin, à l’heure où l’entreprise ferme ses portes, l’Homme d’en bas dégage ses épaules du patio et salue les étoiles en ôtant le béret de glèbe qu’il a sur le crâne : ces longs séjours en apnée dans les entrailles tièdes de la terre ont délavé les yeux de Cornélius – si souvent fermés – comme s’ils étaient passés à l’eau de Javel. Satisfait du devoir accompli, il se retire dans sa petite maison où l’attend sa maman avec, comme à l’accoutumée, une bonne soupe aux pissenlits.