Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Michel Castanier

Chronique de Nîmes : les romans gris
Van Dogen

 

Il est déjà improbable d’avoir vu un mort sortir de l’immeuble du 14. L’évènement aurait été une fêlure dans votre es­prit, mais la fê­lure de­vient une crevasse si elle est par­tagée par la po­lice muni­cipale. Vous n’êtes plus person­nellement concerné.

 

De quelque temps, d’ailleurs, il ne se passe plus grand-chose. L’Apparition – passagère – n’est décidément pas un de ces signes funestes qui annoncent la fin du monde dans les films catas­trophes que vous aimez tant. Le seul trouble qui continue de frémir – une eau sur le point de bouillir – à la surface policée de votre vie est, à tout prendre, bien plus inquiétant et plus dévastateur, sinon pour la ville du moins pour vous. Il concer­ne le comporte­ment d’Eva qui ne cesse plus de se déré­gler.

 

Il fait exceptionnellement frais en ce mois d’avril et, assis à la terrasse du bar des Antonins, vous vous imaginez un Cro-Magnon à peine sorti de sa caverne. Vous avez froid à vos pieds nus couverts de terre, la fourrure d’ours à vos épaules ne suffit pas, le feu est éteint. Un peu de brume. Les grands séquoias sombres. Les fou­gères géantes im­mobiles. Un certain creux à l’estomac. La ter­rible va­cuité de la jour­née à venir. Que faire ? Penser, bien sûr. Par malheur, pen­ser.

C’est alors qu’elle sort du 14 et chasse cette matinée fa­ti­dique qui au­rait vu les débuts de l’Histoire.

Elle ne sort pas comme ça. Il serait plus juste de dire qu’elle marque un temps d’arrêt, per­cep­tible à ce que la porte reste un instant entrebâillée, comme si elle se cachait dans l’obscurité du hall pour observer au-dehors. C’est une pru­dence qui lui est habituelle depuis peu.

 

Une seule fenêtre au 14 est franche­ment ouverte et comme nue à cause de l’absence de ri­deaux. Une tête de chien regar­de la place.

 

[à suivre]

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article