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Publié par Michel Castanier

satire comédie littérature autobiographie autofiction portrait fragment sotie pamphlet
[l’image est de Vivan Maier]

 

2 juin


J’avais des rechutes de misanthropie, mais plus légères et surtout plus courtes, et dans l’ensemble j’étais plus calme, ayant considéré au vu d’un certain reflux du mal qu’il faudrait de la malchance pour être contaminé, et dès lors j’inventais de croire en ma chance, ce qui est une forme de fatalisme, mais plus heureuse.

Après avoir contemplé mon square un instant, dubitatif, je m’en remis à la patience du savant pour l'homme comme pour la lamproie J’envisageai alors quelques hypothèses. Ce qu’il y avait d’émouvant dans le dos humain était une inconscience – alors que, par devant, le visage était aux aguets. Tant de fragilité nous en disait long sur la nécessité absolue de nous entraider. La « nudité » offerte du dos nous apprenait notre imperfection, à l’évidence nous n’étions pas des machines de guerre, il y avait en nous une vulnérabilité trop dangereuse, il faudra revoir tout ça.

Présenter le dos était le plus souvent chez les animaux le signe d’une soumission à un adversaire bien trop fort, l’aspect sexuel n’étant pas négligeable et le comportement alors tout à fait charmant, or si on voulait montrer son mépris on montrait ses fesses, et c’était à n’y rien comprendre, sans compter l’énigme de la nuque si fascinante chez toute personne. L’homme était affreusement compliqué et voilà peut-être pourquoi son espèce était durable, elle échappait à la logique et déjouait le bon sens.

Cependant, sans aller plus loin, le dos était par trop une faiblesse, il nous trahissait. Ce dos dont il ne savait strictement rien aurait rendu sympathique tout être humain si, par malheur, il ne s’était retourné. L’homme de l’avenir, s’il avait réchappé au mal et s’il voulait survivre, n’aura pas de dos. Il sera sans dos. Il sera un Visage.

Je me tus un moment avant de conclure que finalement, à bien y réfléchir, le dos avait de plus quelque chose d’idiot.

Je m’étais laissé aller à ces réflexions parfaitement cliniques, chuchotées sous mon masque, à l’intention d’une dame en niqab noir intégral qui occupait mon banc favori, assise sur son énorme fessier, quand elle se leva sans avoir dit un mot et quitta le square à reculons.

Je savais m’y prendre avec l’obscurantisme et je pus occuper toute la place, les bras largement écartés sur le dossier.


 

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