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Publié par Michel Castanier

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[L’image est de Christian Tagliavini]

 

 

Antidotes – 51

 

 

Alexander Robineau n'avait jamais écrit plus étrange dans de plus étranges condi­tions.

Il avait la certitude que l’Antidote du jour serait le dernier des Antidotes. Il le vivait avec la solennité d'un testament ou lui prêtait une portée très significative d'ultima verba – mais non, un autre Antidote s'ensuivait, héritage plein de sens pour l'humanité émue. Il devait être sa propre Shéhérazade.

 

*

 

– Tenir un blog est avoir installé son camping car dans les jardins de Versailles, nous disait-il, morose.

Une amie du chef – professeur de philosophie et personne d'une quarantaine d'an­nées physiquement et intellectuellement délectable que nous nommerons Philomène – commentait abondamment les épisodes du Journal de l’année de la peste qu’il éditait à l’époque du premier confinement. Chaque récit posté était chaque nuit l'occasion de mille et une variations subtiles qui en appre­naient beau­coup sur ce qu’il avait écrit (et beaucoup plus qu’il n’avait écrit).

Philomène était Shéhérazade. 

Il lui avait résumé, en remerciement, le souvenir d'un conte improvisé par Oscar Wilde pour André Gide après de longues conversations entre eux à Paris : alors que la Nature pleurait la mort de Narcisse, les champs, les animaux, les fleurs la rivière où il se mirait était fort justement le plus triste de tous les Éléments. En effet, elle ne reflèterait plus ses eaux dans les yeux de Narcisse.

Il se peut qu’Oscar ait eu un peu plus de brio.

J'ai moins peur de Narcisse, maintenant, lui avait répondu Philomène.

La Femme n’est pas très prévisible, c’est connu, n’est-ce pas.

Il est tout de même extraordinaire que Philomène ait expliqué au boss ce qu’il écrivait, et ses rêveries étaient parfaite­ment justes, il lui en était infiniment reconnaissant, c'était une joie et une source, ils confirmaient à eux deux que le lec­teur achève le travail du fameux « auteur ».

Il n'en est pas moins vrai que le même lecteur se cherche entre les lignes d’eau du livre, et s’il n’y trouve pas son reflet, rien ne lui fera suivre le fil du courant dans sa petite barque : cet infâme fuyard saute sur la rive et cherche d’autres rivières, d’autres embouchures hugoliennes, d’autres lagunes où s’échouer, d’autres rivières où se noyer dans son image.

 

*

 

Le chef nous tint alors le discours suivant.

– Bon. Trouvons quelques mots de plus pour vous distraire, messieurs. Ce sera parler de moi, forcément, et donc de vous, d’après ce que je viens de comprendre à ma grande stupeur. Je suis doté d'une grand énergie dont parfois ne pas savoir trop quoi faire, je l’admets. J'ai mis des années à être léger, je suis enfin suffisamment superficiel pour n'être plus jamais dépressif. Je voudrais seulement n'avoir pas perdu connaissance (morphine ou coma artificiel) et être là pour ma mort. Mais j'avoue – ne m'en veuillez pas – rire encore beaucoup avec mon amie H, malgré nos peurs – la peur qu'elle a que je meure, la peur que j'ai qu'elle en ait du chagrin.

 

*

 

Le grand cabot qui se moque de lui-même est un homme sauvé.

Notre boss sortit mourir un peu.

 

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