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Publié par Michel Castanier

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[Fragonard]

 

Antidotes – 54

 

 

Cependant qu’Arthur Blanchefleur cherchait la lumière et monsieur Diogène muni de sa lanterne un homme, le boss à travers une loupe énorme essayait de distinguer ce fichu virus sur sa rampe d’escalier, marche après marche. Dans les supermarchés il ne lui manquait qu’un alpenstock et une grosse pipe en ivoire au col recourbé pour être Sherlock Holmes.

Un Watson du Front national proclamait que la Chose (la Covid – une fille, forcément) était un coup du président pour exterminer le peuple. Après quelques arguments contraires bien inutiles, le grand malade s'échappait en concluant : « de toute façon c'est un pédé et sa vieille ».

– La bêtise nous étonnera tou­jours, me dit Jean, un peu pincé.

– D'ailleurs, la nôtre, plus modérée, ne cesse de nous sur­prendre.

 

 

Psyché

 

Le boss – ce grand homme contrarié – nous entretenait de ses soucis.

Ce qu’il aurait dû faire pour que ses élucubrations soient publiées : vivre en réseau, être ami d’Ezra Pound, dormir sur le divan de Freud, passer en fait son existence sur tous les divans chics du monde, chouchouter sa psyché, en parler d'abondance, être une fille, une lesbienne, être Nègre, être musulmane, avoir une adresse aux Baumettes – et peut-être écrire.

(Il venait de lire la biographie d’une dame autrice – comme ils disent)

Son amertume était grande. 

Mais ne vous en faites pas, ce génie s'amusait de dire être amer. La situation calamiteuse était de sa responsabilité. Il aurait dû mieux lire Les Illusions perdues. Sa vanité – bonne âme – avait d’ailleurs calculé qu'avec 260 visites et 456 pages vues sur son blog le 27 janvier de cette année d'épidémie, il était plus lu – et vraiment lu – que s’il avait eu la malchance d'être édi­té.

Comme il était extrêmement lucide, et par ailleurs modeste quand ça l’arrangeait, il avait compris le truc. Il avait vérifié les statistiques d’Analytics (plus précis) pour son blog : 88,3% Sénégal, 2,10% France, 4 américains, 3 canadiens, 2 polonais et 1 Chinois.

Il est vrai qu’il avait posté ce jour-là un Fragonard coquin, délicat et délicieux pour accompagner en écho une de ses Antidotes – quoi que, de l’avis d’Arthur Blanchefleur, un faux, affadie et maladroite copie de la célèbre Gimblette.

Les chers Sénégalais !

Il n’est pas lu, me chuchota Jean, il est vu.

Le singulier était que le taux de fréquentation augmentait toujours plus, en dépit du bon sens et de photos à présent plutôt austères.

Il ne désespérait plus d’atteindre les scores du Da Vinci code.

 

*

 

Il savait fort peu ce que pensaient ses proches de sa grande Œuvre : bien trop délicats pour lui en dire quoi que ce soit, ils préféraient ne pas la lire – mais les quelques commentaires plus ou moins anonymes qui lui étaient communiqués dans le blog étaient d'une grande qualité et haute tenue. Par exemple, on le félicitait pour la qualité du choix de ses photographies - ce dont il se fichait éperdument - ou bien il était invité à visiter telle ou telle boutique de la ville pour y acheter des produits d'entretien et des bons parfums à petits prix. 

– C'est se consoler. 

– Il est aimé.

Il nous rangea dans l’armoire et nous dit, avant de refermer la porte, qu’il s’amusait – et ne s’amusait plus quand il voyait ce qui se publiait le plus souvent dans les librairies. Il ressent une grande tristesse et ne comprend pas ce que vous lisez quand vous lisez.

Il nous laissa dans cette expectative, et vous aussi, au demeurant.

 

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