1001 Vies (689) : L’Armoire – 3

[Travis Louie]

L’Armoire

3

Vous ne vous suffisez pas ? On ne se suf­fit ja­mais, Aurélie. La preuve : vous êtes ma­riée, vous êtes deux en un, c’est deux de trop. Songez instam­ment à voler de vos propres ailes, comme l’a sans doute dit madame votre mère.

Comment avez-vous pu supporter les propos insignifiants de votre époux sur " les femmes ", rebattus (si j’ose dire) depuis des siècles chez des hommes qu’elles terrifient, et qui au fond ne par­lent que de ma­man ? Comment avez-vous admis d’être insultée ainsi, Aurélie ? Un homme, un vrai, je ne sais pas ce que c’est, mais ce ne doit pas être si bête, je présume, ou peut-être que si, sait-on jamais.

Un homme qui se vante de ses succès féminins m’a tou­jours paru louche. Entre eux, à la rigueur, les pauvres ! Ils concourent tous pour la taille de leur sexe, quel que soit le sujet de leur conversation. Mais auprès d’une femme qu’il est censé aimer ! Voilà qui est d’une incor­rec­tion et d’une vulgarité du cœur sans nom.

Il n’est pas mieux qu’il vous compare à d’autres, même en votre faveur (ce n’est que manœuvre : Léon vous place dans une situation d’émulation sexuelle dont vous semblez tirer une ab­surde fierté et qui est toute à son profit).

Je ne vois rien de fiable là-dedans, je ne crois pas dans cet amour. Je suis étonné et même consterné de vous voir vous y abandonner – à moins, bien sûr, que vous n’aimiez ensemble l’imagination idéale qu’il a de lui-même – secret de bien des couples.

[à suivre]