1001 Vies (690) : L’Armoire – 4
L’Armoire
Vous vous trompez, Aurélie. Je suis de l’espèce des amants, pas des maris. Je suis bien trop vivant pour ça.
Autant vous l’apprendre pour votre gouverne, une dame dans la région m’a pourtant demandé en mariage l’année dernière, le 8 novembre, je crois, ou le 9 : j’ai dit oui, bien sûr, je ne sais pas dire non aux femmes, dans le mois qui suivit elle me répudiait sans même m’avoir épousé. Quel soulagement ! Notez aussi qu’elle était mieux logée que vous, d’après ce que vous me décrivez de vos biens : une villa, une piscine, un terrain, une rivière. J’aurais pu mieux m’y prendre. Le vrai est que le terrain était inondable et la propriétaire ce qu’on appelle chez les valeureux sourciers une femme fontaine. Que d’eau ! Que d’eau ! J’ai pris ma petite barque et ramé jusqu’à l’horizon.
Il paraît que les hommes rêvent à ces sortes de monstres de foire. Un rêve absurde. Ils croient à un signe d’orgasme : enfin le plaisir féminin appréciable, eux qui doutent qui doutent qui doutent. Et qui ont bien raison de douter. Ces eaux lustrales ne sont qu’un relâchement physiologique, une sorte de détente sympathique – et après c’est nuit piscine.
Tout de même, tout de même, une fois cette fontaine tarie : en voilà une propriété, un domaine, une maison de retraite – une Maison de vie ! – qui m’aurait été agréable dans mes vieux jours ! Je me vois très bien cheminant par tant de terrain et d’herbes folles cheminant au sec avec mon déambulateur cheminant cheminant cheminant.
[à suivre]