1001 Vies (749) : RUINES-DE-ROME – 36
Que des dames d’ordinaire très convenables, sous le prétexte d’une Fête de la romanité, soient soudain vêtues en esclaves de Rome moroses pendant tout un week-end dans notre petite ville paisible laisse rêveur, bien sûr, mais sans doute n’ont-elles pas suffisamment médité ce que fut Cléopâtre, sautillant d’un pied sur l’autre, sifflotant, les mains dans le dos, moineau sur les pavés d’Alexandrie.
Plutarque, qui ne l’a pas connue, en témoigne. Ou l’a-t-il rêvée ? Et c’est là où nous voulons en venir.
Imaginer, ou s’imaginer, tant qu’on y est, voilà la clé qui nous ouvre le secret de la réalité ! Elle est factice ? Faisons encore plus faux que faux – et nous toucherons au vrai !
Quand la Reine des reines – ou la Putain des putains, selon les historiens, rarement charitables – ne faisait pas sa gamine, Cléopâtre aimait se déplacer avec les siens dans un navire à la poupe dorée sous des voiles pourpres.
Un pédalo aurait suffi pour l’homme du réel.
Là donc, dans ce couffin de roseaux, du fond de sa baignoire d’ivoire sous un dais d’or, entourée de brutes aux nuques talquées déguisées en nymphes, en Néréides ou en Amours, la dame à la voix jolie, bercée par la crue des flots d’émeraudes du Nil, avançait à la cadence des flûtes, des lyres et des galériens.
Là, cette chère enfant, le bout de sa langue rose pointant sous l’effort intellectuel, écrivait sur ses tablettes en cristal des lettres très cochonnes avec fautes d’orthographes pour son Amant merveilleux du jour, le cher Marc Antoine, dont on comprendra qu’il n’ait plus jamais cessé de cavaler en tous sens sur ce que Platon appelait le cheval de l’âme.
Ou plutôt, comprenne qui pourra.
[à suivre]