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Publié par Michel Castanier

 

 

 

– On peine à croire à la bêtise. On la suppose de la mauvaise volonté, de l’indépendance un peu fruste, une méconnais­sance tout à fait provisoire. C’est une curiosité, un amuse­ment : on est au spectacle, mais pas très concerné. Et puis on en est victime. Et tout en est changé. Sa violence nous choque. Elle met la vie en péril. La vie collective. La vie privée. On va la guetter, on ne se laissera plus surprendre. On a identifié la menace. Bientôt on ne voit plus qu’elle. Elle est partout. Tout le temps. En dernier lieu on la découvre chez soi. Voilà, elle est passée. On a été conta­miné. On était sain, pure intel­ligence, grand cérébral, nous voici une menace pour les autres et pour nous-même.

La bêtise est notre premier mouvement. Ensuite, on verra. On nuancera. On éclaircira. La civilisation viendra après, elle ne nous est pas naturelle. Il suffit de très peu (un problème nou­veau, une situation inconnue, un étranger, des étrangers, Zéphira) pour revenir à la nature, si prompte à tout résoudre, si confortable –

 

 

Il m’arrivait tout de même d’être bousculé sur mon pe­tit hors-bord dans l’auguste sillage de la conversation de Chausson, quelque chose m’emportait plus que je n’aurais cru et ce malaise vague me cha­hutait.

Lui – La bonne écriture est une radiographie, mon garçon.

Moi – Ça alors !

Lui – Elle voit l’os (le pro­cédé), la malformation (le ridi­cule), la cassure (l’intelligence déficiente), l’organe atteint (l’obscurité qu’on ne peut éclaircir sous peine d’éparpiller la poussière d’un cliché), l’ombre si­nistre (l’insignifiance du narcissisme).

Moi – N’y a-t-il pas un bon narcissisme, comme il y a un bon cholestérol ?

Lui – Cela prend beau­coup de temps, une si minutieuse médi­tation, autant qu’il est né­cessaire pour que se crée le vrai visage de l’Auteur.

Moi – Que de pa­tience faut-il à l’Histoire elle-même pour créer nos grands hommes !

Lui – Que d’effets de pers­pective pro­gressivement calcu­lés par les in­terprétations successives du  monde !

Moi – Que de reliefs travaillés dans les Montagnes ro­cheuses de la postérité !

Lui – Or, qui était Ho­mère ?

Moi – Ou plutôt qui étaient Homère ?

Lui – Un dernier mot !

Moi – Je peine à y croire.

Lui – Tu n’apprendras pas sans sym­pathie qu’une manifesta­tion de soutien à défilé toute une après-midi au­tour de mon square. Une cen­taine de dames qui tour­naient en rond, farouches, toutes rouges de colère sous une ban­derole Sauvons l’ours blanc ! Cette ode po­pulaire et bon enfant à ma per­sonne s’est dis­persée dans le calme. 

J’y réfléchis seu­lement : avec qui suis-je enfermé dans ma bibliothèque ?

 

[à suivre]

 

 

 

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