1001 Vies (779) : LA TENDRESSE DU SNIPER – 66
« Allons plus loin, plus bas, toujours plus petit. Boussardon mord pour n’être pas mordu, quand personne ne songe à le mordre, quelle idée ! Il connaît une vaste rancœur. Il maudit la société, il maudit l’existence, il maudit surtout les autres, les responsables, ils l’ont empêché d’être ce qu’il aurait dû être, dont il ne sait rien, mais il a toujours pressenti que cela devait être grand, plus grand que son être-termite, il a été floué très tôt, il a été joué par des tricheurs (les riches, le patronat, le gouvernement, sa famille, un complot planétaire ?), jamais par lui-même.
C’est la condition humaine de Boussardon. Il ne voit pas que la vie est un palais aux fastes démesurés, il y vit dans les nœuds des boiseries : Il survit dans les pissotières de Versailles.
Que satisfait notre insoumis ? Une amertume farouche d’enfant. Un immense enfantin désir d’être le cœur battant du monde. Comment aimer cette société où Boussardon est si peu ? il est livré à une meurtrissure qui noircit tout, l’aurore, son âme pure, les fruits, les légumes, les joues roses des enfants, les yeux blancs des statues du Jardin. »
[à suivre]