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Publié par Michel Castanier

 

 Autorisons-nous une précision opportune, car me voici songer avec amertume comme la rumeur salit tout ce qu’elle touche. Si pur que nous soyons, est tachée la blanche hermine, et le doute nous conta­mine.

Et si j’étais ce qu’on dit de moi, pas encore entraperçu par moi, ces rumeurs, on se connaît si peu ? Il ne s’en faut pas de beau­coup pour que la tache soit d’huile et s’étende dans le tissu fragile. Je m’exa­mine de plus près, au prix de bien des contor­sions pour mieux voir ce que je n’ai jamais eu le souci de voir : mon propre dos, je gagne en perspectives, en angles de vision, et bientôt il faut l’ad­mettre, ce petit dos réduit qui s’éloigne du Café Carré y gagne une distance plus juste, c’est moi. Cet être faux. Cette médiocrité. La tare qui se cachait dans mon dos, qui se ca­chait même à elle-même, l’être qui sans cesse se tournait le dos.

Je confirme et dépose de la monnaie dans une coupelle. C’est bien cela. Me voici la tache même ! N’est-il pas plus confortable d’être ce qu’on me prête d’être ? Peu importe si ce n’est pas vrai, ce sera vrai.

 

 

(La chute de Satan, cet artiste contrarié, aurait dû être le pre­mier rire de l’humani­té. Ce n’est pas le cas. Personne ne sait voir combien le Mal est ridicule. Un homme marche, glisse sur une banane et tombe. On rit. En revanche, la dégringolade du haut d’une falaise ne nous fait plus rire du tout. Elle devrait. C’est penser petit. Si l’ordre du vivant est atteint, et non plus l’ordre social ou moral, le rire se brise dans la chute. La mort a pointé son bout de nez. Elle fait peur.

Or, elle est extrêmement drôle. Ainsi la marche est-elle une chute régulièrement interrompue, chaque bipède le sait. Autre­ment, s’il y avait culbute continuelle, un non-sens absolu arrive­rait en catastrophe dans les raisons d’être que se donne l’homme qui va méditant, les mains dans ses grandes poches. Al­lons plus loin. Une vie n’est-elle pas une chute retenue ? Voilà qui devrait être haute­ment comique.

Un homme qui meurt perd la tête, les sens, et le sens de sa vie conquis sur tant de doutes s’effondre lamentablement, d’un coup et sans raison notable. N’y a-t-il pas de quoi rire ? On hésite. Nous respectons trop la mort, nous lui faisons allé­geance comme à tout ce qui est plus fort que nous, le maître à penser, le tyran, mon boucher, mon épouse. La mort est bouf­fonne. Mozart l’a su.)

 

[à suivre] 

 

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