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Publié par Michel Castanier

 

Carte postale

 

Les habitants – ayant finalement décidé être en hiver – atten­dent la neige. Chaque année. Ils ont envie de se déplacer dans une belle carte postale – petits personnages de conte de fées tra­versant (comme l’avion de ligne le nuage) un troupeau de mou­tons pour gagner la minuscule chaumière – où la cheminée fume et, sans doute, un Ogre ronfle.

Mais non, l’air est simplement froid, stérilement, cassant comme du verre. Le désir cassant comme du verre. L’Hiver pas­sera et, cette fois encore, le vieux Bougon – le Grigou à la barbe de stalactites – n'aura pas fait de faveur : les bons vieux clichés si confortables où il fait bon vivre ensemble, les sons assourdis dans la ville silencieuse, la rue aux autos chapeautées de neige, le cher square Antonin et ses chênes-lièges nappés de sucre blanc qu’on regarde par la fenêtre, les ions ralentis des flo­cons…

Ils hésitent, remontent, oscillent, déconcertés, incertains, vel­léitaires, les toits de la ville sont encore une fois trop tièdes, ils chuchotent.

– Mon Dieu !

– Mon Dieu !

– On tombe mal, non ?

– C’est peut-être un peu tôt. 

– On reviendra. 

– Vaudrait mieux.

Qui est ce monsieur qui passe en-dessous de nous ?

Un rien vous étonne !

Le monsieur traverse à petits pas compassés le square Antonin le Pieux. Un grand pigeon (si gros qu’il aurait pu être un alba­tros), ses ailes vibrant d’émotion, s’envole, craignant un coup de pied. Et de fait, le passant accourt, agite les bras, frappe du talon, rit et s’enthou­siasme. Sa chevelure blanche savamment ondulée n’est plus qu’écume, son visage altier est tout rose, ses yeux brillent sous l’éclat de l’Inspiration.

Vous comprenez que l’individu est un poète. Il est un poète sans maison d’édition : il habite poéti­quement un terrain vague.

À moins qu’il ne se réchauffe. Il est vrai que les pigeons ont été inventés pour le bonheur des enfants. Le colom­bophile tourne au coin de la place en poursuivant toute une bande de ramiers scandalisés.

 

 

[à suivre]

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