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Publié par Michel Castanier

 

 Départ pour un pays lointain

 

J’admets mon corps. Je me tiens droit. Mon esprit me convient, il m’amuse. Mon cœur est trop sensible mais c’est sa chance. Une sorte de chance. Je l’aime plus que qui que ce soit. C’est mon visage qui me crée des soucis. Je ne suis pas d’accord avec lui. Ce n’est plus le mien.

Un matin, au réveil, j’ai vu ce pauvre visage et ne l’ai pas reconnu. Que s’était-il passé ? Qui m’avait changé de tête ? Par quel tour de passe-passe odieux ? Il y aurait eu tant de choix ! Ou plutôt non, ne cédons sur rien. J’avais un visage et qui me représentait dans le monde. J’y tenais. C’était celui-là ou rien. Il pouvait être beau ou laid selon qui me regardait, intelligent ou hébété selon la situation, mais il avait quelque chose à dire de moi, de ma personnalité, de ce choix suprême d’une singularité qu’avait décidé Dieu, ou ses intercesseurs génétiques sur terre.

Cette affaire fait désordre et mon mental s’en ressent. Mon seuil de tolérance sera sur ce sujet assez limité. Comment être à l’aise quand on est soumis au regard d’un étranger qui vous observe sans la moindre aménité vous raser au reflet du miroir ou passer nonchalamment dans les vitrines de la ville ou vous y refléter à vélo incidemment. Voilà qui déconcerte trop, on manque se cou­per la gorge avec son rasoir, ou rouler sous un bus, ou tomber dans une bouche d’égout.

Je réclame mon visage à qui de droit. Je ne sais pas qui est qui de droit mais je le saurai. Je fais des recherches intenses. Je crie dans les rues ! J’appelle ! Au secours ! Un coyote m’aura dévoré la face !

Un coyote ?

J’avais encore tant à dire. Tant à rire. Tant à jouer.

 

 

[à suivre] 

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