Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Michel Castanier

 

Modestes récriminations

 

Ma famille ? Des gens que je n’aurais jamais dû rencontrer. Mon père s’est remarié aussitôt après l’enterrement de son épouse, il avait de gros besoins : il s’est contenté de nous déménager chez notre voisine de palier. C’était bien mon père, pour sûr, il n’était pas lui non plus un ami de l’action. Ma belle-mère a souvent essayé de me perdre par la suite, mais je retrouvais assez facilement le chemin de la maison. Au début, cet échec l’énervait, puis elle a fini par me trouver amusant et même sympathique. Comme un chiot malin. Ce fut bientôt un jeu entre nous.

C’est dire si j’étais préparé quand j’ai rencontré le monde des femmes. Je résistais. Il n’était pas facile de m’égarer. Certaines crurent y parvenir en m’épousant. Je leur ris au nez. Bien sûr on essaya le poison – elles m’empoisonnèrent la vie mais j’avais eu Mithridate pour belle-mère, leur poison me renforçait. J’y gagnai d’en accompagner trois au cimetière, la fillette n’était plus là, et je ne manquai pas de les retrouver pour la Toussaint (nous habitions la même petite ville). Ces dames enrageaient, leurs dalles sautaient comme des bouchons de champagne. Ce fut bientôt un jeu entre nous.

C’était le bon temps.

 

Boudin

 

Je rêvais – moi, homme léger et célibataire – que je parlais de ma mort avec mon épouse, un soir de Nouvel An, et je lui expliquais être assuré de me réincarner en boudin de porte. Des années après mon décès (le rêve a la rapidité de l’année-lumière), j’apprenais qu’en visite chez sa mère, ma veuve avait éclaté en sanglots et s’était effondrée sur les genoux devant l’entrée de l’appartement maternel.

« C’est toi ! C’est toi ! Dis-moi quelque chose ! Tu me manques tant ! »

La mère ayant dû céder à sa douleur, mon ex ne manquait jamais de venir me souhaiter bonne nuit à sa porte d’entrée avant d’aller se coucher avec son nouvel époux, homme affable mais d’envergure intellectuelle modérée.

« Quelle histoire saugrenue ! Je plaisante, je plaisante si bien, d’habitude » – me disais-je cette nuit-là, réveillé en sursaut par une de mes brutales apnées, en m’accoudant, comme chaque nuit, à la fenêtre de notre chambre, pour regarder mon amie Prudence dormir sagement, allongée sur un banc sous la lune, dans le square Antonin le Pieux en face de chez moi.

 

[à suivre]

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article