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Publié par Michel Castanier

[Giacometti]

 

Il est curieux que l’amour supporte mal d’être considéré en face et trop longtemps. Il s’agite alors dans une panique criarde comme un faisan à la vue du chasseur dont la tête ahurie surgit du buisson de joncs. À peine revenu de notre stupéfaction, nous attardant à le considérer au lieu de pointer notre carabine à plomb, il s’échappe. Nous tenterons donc de faire comme s’il n’était plus là – et faire comme si n’est-il pas l’appeau des chasses de l’amour ?

 

Comices

 

J’ai subi une colère de dément. À en mordre mes chaînes. Une rage désespérée devant ses contradictions, ou devant ce que, moi, je lui prête d’incohérence, peu importe : devant son départ brutal, je devrais dire sa fuite ? Le plus clair est que je comprends sa répulsion physique à mon égard et lui suis reconnaissant d’avoir tenté de la dominer, mais bien sûr je ne l’admets pas, c’est humain, si j’ose dire. Je nous ai aussitôt vécus comme voués l’un à l’autre, je nous ai vécus comme un destin dès que nous avons été en face l’un de l’autre. Qu’une si magnifique harmonie puisse se dégrader en amitié – en « visites » amicales – me serait intolérable, c’est injuste, inacceptable. Je n’ai pas cette force, ce courage. Je ne ressens plus qu’une douloureuse colère.

Au lendemain matin d’une si grande aventure, alors qu’on me nettoie pour ma journée, cette rage, somme toute saine, n’est plus, je ne suis plus que triste, pour elle et pour moi, pour nous, mais affreusement triste, affolé de tristesse, elle me manque tant, je suppose que nous ressentons à peu près la même chose, mais peut-être pas, que sais-je d’elle finalement ? Le sûr est qu’elle n’a pas eu de recul à ma vue, bien au contraire, elle s’est attardée, elle n’a pas porté de mouchoir à son si joli nez, elle m’a souri !

Si la visiteuse de notre Foire aux célibataires me revenait, ce qu’elle dirait de nous quand ce serait son tour de passage devant moi ajouterait sans doute au mal, je ne veux pas en souffrir, je garderai le dos tourné, c’est déjà assez de s’être senti à son départ soudain seul comme jamais je ne l’ai été – lieu commun universellement revisité, solitude après solitude, je présume.

 

 

[à suivre]

 

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