Catastrophe lente – 66

Ainsi de Sidonie qui se plaint dans son globe d’eau, me trouve étrange et ne me croit pas quand je lui parle de ma tendresse.

Ce qu’elle croit est que je joue avec elle comme avec le globe.

Oui, je suis joueur, chère et grande mélancolique, je suis un acrobate, je suis un jongleur. Les mots me sont un tournoiement de boules de verre emplies d’une neige en révolution – incomparable numéro où chacun dans le public, par un processus d’identification renommé, n’est plus que flocons bousculés dans l’air liquide – et adroitement ressaisi.

Cela fait trop longtemps, ma douce amie, que je joue pour toi avec mes boules (C’est là encore un mot. Un bon mot. Un de ces mots avec lesquelles j’aime te faire sourire - plus ou moins - pour oublier être trop triste).

Ayons un geste vif, ma blondinette, très inattendu de la part de ma nature pondérée – et que la neige de la sphère d’eau s’apaise dans ma paume et se dépose sur ton corps lilliputien, niché à l’intérieur du globe, sur tes minuscules tétons et sur ton infime sourire.

Il n’y a de bonheur qu’entre doux schizophrènes.

Ainsi d’une blanche palombe qui avait le visage de Lili et becquetait soucieusement sous son aile gauche entre deux cours de philosophie.

L’eau du canal se froissait tendrement. La nuit se développait à l’horizon, obscurcissant déjà notre terrasse bien que le toit du parasol fût encore sous les feux du soleil couchant. Je regardais la fumée de ma cigarette se perdre vers les nuages. Viendrait bien assez tôt, le temps de n’être plus que mon seul témoin à l’Heure des mouches dans le crincrin des grillons du cimetière.

Avec les mouches c’est toujours l’heure, mon grand fou, m’a dit la palombe.

La fumée, suave, onctueuse, évoluait vers le ciel pour se perdre dans le bleu – une tuyère de cendres retombant sur terre après l’effort.

[à suivre]