Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Michel Castanier

#fiction mystérieuse, Satire, Comédies, Personnage de fiction, #roman d'aventures, #nouvelles, Théâtre,  Littérature, Romans, #romans policiers, Prose, #récit, #fantastique, #comédie dramatique, #humour #contes
[Auteur de l’image non identifié]

 

Antidotes – 36

 

 

Quel est ton son ? avait dit au boss Mélie, la fillette de son amie Annie, qui était peut-être sa fille mais personne n’en savait rien, sur­tout pas sa mère.

Il y réfléchissait. Son opéra préféré était sans doute l’inquiétant Cosi fan tutte. Et sa cantatrice était Petibon au nom merveilleux et tel­lement femme et tellement rousse ! Pouvait-il raisonnablement parler de Petibon à Mélie ?

Il aimait écouter la musique lui raconter des histoires – des histoires de notes. Cette idée simple plairait. Mais la mise en scène devait pas déborder la musique. Comment le lui expli­quer ? Suffisait-il que Don Juan fume sur scène pour en faire un rebelle amoureux de la vie ? Alexander ne croyait pas Mélie capable de lui répondre. Il avait vu chanter le duo du « là ci darem la  mano » – qu’il aime tant – joué à 5 mètres l’un de l’autre, les chan­teurs assis sans se regarder. Adorable moment – bien digne de la « distanciation so­ciale » – mais peu discernable par un esprit enfantin. Ce pauvre monsieur Juan ! Entre vous et moi, un type maladroit qui n'arrive pas à coucher… Sinon, cer­tains théâtreux ne se souciaient que d’affirmer leur petit Moi au détriment de la musique et en total contresens avec l’œuvre. Imagine, Mélie, qu’une fois Don Juan s’est suicidé ! et d’un coup de revolver ! Je le jure ! J’y étais !

Non, elle ne comprendrait qu’assez peu tant d’exaltation, et Alexander n’était pas Aristophane : il n’allait pas entrer dans de vastes considérations circonstanciées sur l’art opératique et l’historique du contre ut.

 

*

 

L'art d'être grand-père est formidablement émouvant, nous disait le boss en relaçant Jean. Ap­prendre des choses (sans faire de choses, il vaut mieux). Elles lui faisaient une confiance à la fois royale et malicieuse. Il se redressa en soupirant. La fille d’Annie lui rappelait la toute petite fille de Ninon qui voulait absolument amener son grand copain au cinéma voir un film où une fille disait aux autres qu’elles n’étaient que des suceuses de bites.

Qu’est-ce que tu en penses ?

Ce disant, Lulu regardait en coin Alexander, d’un air inconciliable­ment à la fois enthousiaste et inquiet. Il ne manquait pas de pré­sence d’esprit quand il s’agit de fillettes.

Et toi, qu’en penses-tu, Lulu ?

Ben, c’est dégueulasse !

Il avait sa réponse.

Et toi, quel est ton son, Mélie chérie ?

 

*

 

À son immense stupeur, le boss en apprit beaucoup sur Mozart enfant et sa symphonie de jeunesse KV 96 (111b) par Josef Krips. Le mouvement lent. Poignant. Il avait peut-être perdu son hamster, expliqua Mélie, mais c’était poignant. Comment ne pas aimer, ain­si que le disait Momo en personne (elle appe­lait le compositeur Momo, la désinvolte !), les pe­tites notes qui s’aiment ?

Il comprit alors qu’Amélie ne pouvait être qu’une fille ca­chée de son étonnant ami Aristophane – mais pour rien au monde il n’aurait demandé à son ami comment il avait procé­dé.

 

*

 

Ils étaient rentrés de leur promenade la main dans la main. Mélie lui apprenait de sa petite voix suraiguë qu’il ne fal­lait pas se moquer des morts parce qu’ils risquaient de rester bloqués dans leur cercueil et de ne pouvoir monter au ciel. Elle disait qu’au paradis les hommes et les femmes étaient dans des pièces diffé­rentes. Il n’y avait que chez le diable qu’on faisait l’amour. Alexander n’était pas surpris qu’elle semble avoir pressenti quelle condamnation était la sexualité, quelle souffrance. Connaître la fille d’une amie qu’on croyait connaître est un vaste enseigne­ment.

 

*

 

Dans le charme d’arrière-saison des yeux de la chère Mélie, il y avait cette rive du canal de la Fontaine où ils n’attendaient rien, adossés au parechoc d’un camion de déménagement – attentifs à la longue caresse d’un léger ennui – à la brume qui pa­ressait sur les eaux ombrées par les feuillages– à l’odeur agréable de la végétation froide des micocouliers et de l’essence – à l’éternité. 

 

*

 

Le boss aimait faire de sa vie une ménagerie avec Animaux ex­traordinaires, Monstres, Phénomènes, Fillettes au bout de nez en porcelaine de Saxe – et Signes, ainsi d’H qui était son Ange gar­dien : son Ange était son éclaireur, le palpeur vibratile à la lumière. Il était sa face obscure et cachée.

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article