1001 Vies (621) : La Tour de Babil – 26
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J’ai absolument l’air de rien sous ma couette, mais je ne trompe le monde que s’il y met de la bonne volonté, car j’aperçois le regard de maîtresse d’école qu’on a sur moi, et je renonce. Autant s’expliquer. Un grand geste d’indifférence renverse mon bol de camomille sur la table de chevet.
Moi – Les amours s’usent…
Madame Philomène, qui n’avait pas quitté la fenêtre, close par exception, tapote une vitre du bout des doigts, comme si elle demandait à sortir.
Elle – Les amours s’usent s’il n’y a pas d’amitié dans l’amour…
Elle s’arrête de tambouriner le verre, fait volte-face, et j’ai l’admirable impression que va descendre jusqu’à moi par un rayonnement du soleil un fragile sourire fou.
Elle – Qu’a-t-elle de spécial, cette Lili ?
Moi – Elle avait une voix qui me rendait joyeux…
Elle – Elle avait ? Elle n’est plus ?
Moi – Je ne l’entends plus.
Elle – Les femmes sont toutes spéciales pour leur amoureux. La distribution est bonne mais la comédie lamentable, le happy end improbable.
Moi – Il y a tant de voix qui n’ont pas d’âme.
Elle – Soyons sérieux.
Moi – Jamais !
Elle – Qu’aimes-tu tellement dans Lili ?
Moi – Elle n’avait pas conscience de son pouvoir.
Elle – Pour moi, l’amour c’est que de l’abandon.
Qu’elle était soudain triste ! Son pauvre visage ! Je décevais Philomène. Je ne méritais pas son rêve ! Il me vint alors une idée remarquable et je courus à mon bureau prendre quelques notes.
[à suivre]