1001 Vies (736) : RUINES-DE-ROME – 24
Chausson m’attribue d’être un écrivain – « parfois ». Cette restriction à mon sens nerveuse lui vient de ce qu’il me prête de dandysme, car je n’aime pas être obligé de réfléchir, alors qu’il réfléchit « tout le temps », à ce qu’il m’apprend. J’ai toujours eu de l’affection pour cet homme, au-delà de quelques exaspérations bien légitimes, et aujourd’hui je me demande si je ne dois pas ressentir de la compassion.
Moi – Tu dois être très satisfait de l’insuccès de ton œuvre ?
Lui – Oui, je me sens confirmé. Je n’espérais pas un si grand échec.
Moi – Tu ne pouvais que passer inaperçu.
Lui – Bienheureusement.
Moi – Quelle chance ! Quelle promesse !
Lui – Qui supporterait l’existence de mon travail ? L’époque n’est pas prête.
Moi – Le sera-t-elle jamais ?
Lui – En effet. C’est à espérer.
Moi – Je ne comprends pas trop ce que tu écris, mais c’est agréable, j’aime les mots croisés.
Lui – Il est vrai que je perds trop souvent mes lecteurs. Par malheur, on ne peut écrire seul.
Chausson aime parfois se reposer dans le hamac d’un lieu commun comme entre deux parenthèses.
Lui – Il y faut au moins un compagnon de route.
Moi – Moi-même, je suppose.
Lui – Il y faut un lecteur de haut vol ! Que viendrait faire ici un lecteur de basses terres ?
[à suivre]