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Publié par Michel Castanier

[Anish Kapoor]

 

Ados entre eux

 

Ils parlent fort. C’est de leur âge. Il faut se pousser du coude, et surtout se pousser, faire bon visage, à la hauteur de ce qu’on suppose être la demande, une virilité, une assurance, un rot. Il y a de la démonstration là-dedans, ils ont quelque chose à prouver. Les comportements sont excessifs, les plaisanteries explosives, les rires outrés : on s’esclaffe, on ne sait pas sourire, qui réclame un peu de tendresse et d’attention, il y va trop d’un enjeu essentiel et qu’on ne sait pas encore nommer.

Ce n’est plus mon cas. Je chuchote.

 

 

Leçon de choses

 

Je dois beaucoup à cette femme sans qu’elle en sache rien la malheureuse, elle serait effrayée, notre liaison, si on peut appeler ça une liaison, est une épreuve qui sert de révélateur, qu’on me pardonne l’image facile, qui a donc servi de révélation à bien des mécanismes en moi toute une machinerie autonome automnale glaçante et qui sentait la mort.

Un envol de virgules dit toute la fébrilité d’une pensée sans repos.

Je me suis aperçu que je n’existais pas en personne ; c’est un phénomène assez connu mais peu admis peu reconnu surtout chez soi pas de ça chez soi.

La mémoire reconstitue sans cesse le corps, des orteils au bulbe de vos cheveux. L’Inconscient ressaisit à son usage les symboles et l’histoire entière de l’humanité depuis la vie dans les océans. Les animaux, les végétaux, les autres m’y reconstituent sans cesse jusque dans ma solitude. Pas de voix profonde, mais des voix, des voix qui parlent sans cesse

puisque ce n’est pas moi qui pense puisque ce qui se pense en moi est pensé par vous comme par un appel d’air ce que se dit ne se dit que pour vous par vous qui ne pensez que par moi pour  moi.

J’ai donc décidé de n’être plus et même décidé que plus rien ne pensera en moi qui ne soit pas moi bien que je ne sache rien de ce qui est moi mais j’apprendrai.

Renonçant à n’être que le miroir des autres, à n’être qu’à réagir à la nature de leur regard sur moi, cette inquiétude qui fait seule que j’existe un peu, renonçant à rester aux aguets au qui-vive je ne pense plus seulement conscient de la pluie sur le store de cette terrasse sans me la nommer du bruit de la pluie sur le store et des talons de cette inconnue qui passe sous le store et de ma respiration trop forte de mon agacement au martellement de ces talons sous ce store et déjà déjà je cesse de n’être rien enfin rien

Quel malheur ne se sent-elle pas suivie par ce bruit de pas dans ses pas

Quel bonheur ces talons qui font que je passe devant Lui et ne passe que par lui et pour lui sans qui je ne suis rien.

 

 

[à suivre]

 

 

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