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Publié par Michel Castanier

 

Un roman familial

 

Il ne m’est jamais rien arrivé que par les femmes, à commencer par maman sans qui je ne serais pas né. Quand elle vint à mourir j'en fus extrêmement soulagé et j'expliquai ce soulagement à mon père, décrivant avec minutie mes sensations avant de les noter dans mon carnet en moleskine, me félicitant de cette clarification, manifestant à l’égard de mon jugement critique le plus vif contentement. Il m’a regardé comme un monstre, cela ne me change pas.

J’étais alors dans ma dixième année et j’avais des goûts simples mais obstinés : je serai gardien de phare, ou de nuit. Je ne suis pas un ami de l’action. Je ne pensais qu’à ça. Jour et nuit. Garder la lumière ou garder la nuit, je suis ainsi, jamais de juste milieu. J’en avais oublié de garder maman, on ne peut pas penser à tout.

Cette veille nocturne était un travail qui ne m’aurait vraiment pas déplu, tranquille, ponctuel, une certaine façon d’être fonctionnaire avec la sécurité de l’emploi, et une forme de folie en bonnet de nuit. Je n’avais déjà aucun goût pour la petite société du cirque mondial.

Papa n’avait pas pu être des nôtres pour l’enterrement de maman. C’était un samedi matin. Le temps était nuageux dans l’ensemble de la rue, la pluie ténue mais soutenue. Elle sympathisait. Aucun véhicule ne formant cortège, le croquemort m’a fait asseoir avec lui sur le siège avant du fourgon funéraire. Il y avait déjà une petite fille. C’était la sienne, pensait-il. Il l’amènerait à l’école au retour. Son visage était oblong, elle ne souriait pas, elle devait avoir une consigne. Je détestais les petites filles. J’ai imaginé qu’un beau jour je suivrai seul mon propre cercueil comme je le faisais pour la mort de maman.

À notre retour du cimetière, il y avait de la brise dans les chênes-lièges du square Antonin le Pieux à 10h43 …

 

 

[à suivre]

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