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Publié par Michel Castanier

 

Ainsi en est-il de Nicole.

L’émeute a trouvé dans les cachots de la Bastille investie par les sans-culottes, d’après les documents de ces temps que j’ai compulsés à la BN : quatre escrocs, un débauché, deux fous et une machine à torturer dont personne n’a pu deviner le nom ni l'usage exact (une imprimerie). La Révolution n’est jamais assez pure. Des idéalistes ont guillotiné l'insouciant, le modéré, celui dont on ne sait pas qui il est ou ce qu'il pense. Je n’ai de goût que pour la charité chrétienne – autre nom de l’amour véritable dans ses preuves. Connaissez-vous Nicole ? Cette petite ouvrière avait donné du pain à un aristocrate. Liée sur la planche à bascule de la guillotine, elle a murmuré : suis-je bien ainsi, monsieur le bourreau ? 

Voilà qui me réconforte quand je ne suis pas sûr – dans mes moments de doute – que le sort de l’humanité puisse faire trembler. Nicole n’est pas d’accord. 

 

Ainsi de l’Arbre de vie.

– On demande les parents du petit Adam, dit la voix désabusée d’un haut-parleur mural au Carrefour City.

Cependant, j’attends mon tour à la caisse où une fée patiente.

Elle est sans âge comme il se doit, sa robe en corolle est de taffetas bleu, ses bas blancs mités, son hennin de travers et sa baguette magique surmontée d’une comète de Nylon translucide semée d’étoiles en strass argenté.

Nous entretenons dans la file d’attente une aimable conversation et la fée rit souvent, car elle a un naturel joyeux et confiant, d’ailleurs les êtres humains l’étonnent toujours et elle aime être étonnée.

Ce monde ne la méritant pas plus que moi, je lui souhaite bonne chance. La fée me regarde tendrement.

« Quand votre Dieu vous a fait il a bien fait. »

J’en suis d’accord.

Je ne revois la fée qu’une seule fois en début de printemps et de loin.

Elle est cette fois couverte de feuillage depuis ses pieds nus jusqu’à sa tête rose et sévère à peine perceptible dans le lierre. Elle traverse la chaussée au feu rouge, bien consciencieuse, Je crains qu’elle ne se défolie avec l’automne et ne soit arrêtée par la police incapable de se rendre compte qu’elle est un arbre de la forêt et non pas une fofolle toute nue.

 

[à suivre]

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