Catastrophe lente – 74

Chantier

Je ne sais qui a inventé le réel mais il dépasse toutes nos espérances. Je doute d’en être. Le réel ne m’a jamais paru vraisemblable ou, s’il avait la moindre autorité, elle ne valait pas la peine qu’on se donne.

Nous voyons ce que nous attendons à voir. De par notre culture, notre héritage familial, notre expérience et nos conditions historiques. Un homme est son époque. Ainsi ne voyons-nous rien de neuf. C’est connu, rarement pris en compte.

Il arrive des déchirures dans cet écran. La fatigue, le stress, la drogue, un accident, un événement, une rencontre amoureuse. Nous remontons assez rapidement, pièce par pièce, notre loupe de myope. Jamais assez vite pour n’avoir pas entraperçu le trou.

Nous le comblons de ce que nous savons – tapissage rationnel ou rapiéçage désordonné. Aussi concrètes qu’occultes nos habitudes nous en imposent et finissent par assujettir notre vie. Une épuisette de liens nous contient. Le langage est ce filet de sécurité pour trapézistes.

Qu’il n’aille pas se déchirer ! On ne verrait plus que le trou.

Ainsi qu’on le constate aisément, mon existence n’est pas des plus simples.

[à suivre]