Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Michel Castanier

Fiction mystérieuse, Satire, Comédies, Personnage de fiction, Roman d'aventures, Nouvelle, Littérature, romans policiers, Prose, Récit, Fantastique, Comédie dramatique, Humour, Roman (littérature)
[Anonyme]

 

3

 

Un visage sévère nous observait. Une tête de Jugement dernier. La face monolithique comme dans les rêves. Une des statues de pierre de l’île de Pâques nous tenait compagnie.

L’étranger toussota, très digne.

– Il faut rire !

Il tournait sa cuillère dans son bol de thé vert avec une lenteur, une concentration de dévot du thé.

Et soudain, il y mit un enthou­siasme échevelé et une fer­veur inatten­due, le che­veu hé­rissé comme s’il avait été électrocuté. La cuillère moulina à toute allure, le bol s’envola et le thé bien sucré ex­plosa aux alen­tours.

L’étranger s’apaisa.

Nous avions dans les oreilles le rire suraigu et le bruit du bol brisé contre le mur, nous étan­chions l’hu­midité sur nos chemises, nous cherchions où fuir avec discrétion.

– Qui êtes-vous ? dit Claire.

– Je suis l’âme de Pierre. Monsieur Aloysius m’a ramenée à la vie.

Je reconnaissais le shetland jaunâtre de notre ami mais plus rien n’était évi­dent si l’assassin que Claire avait imaginé vivre parmi nous se montrait sous son véritable visage. Il se pouvait, au point où on en était, que Pierre n’eût été qu’une identité tru­quée, une « lé­gende », comme il se dit dans les services secrets. Léo armait son fusil. Claire avait dû s’en aperce­voir, elle décida d’assurer la conversation en per­sonne. Après tout, c’était une autre forme d’enquête.

– Votre âme était donc morte ?

– Votre âme est morte elle aussi. Vos âmes à tous.

 

 

4

 

Je ne pouvais m’empêcher d’avoir froid, non que j’ai cru le moins du monde à ces âne­ries, mais il y avait dans la voix de l’inconnu un souffle de glace. Un morceau d’ice­berg s’était dé­taché et descendait les courants vers les Îles de la désolation ... Je me dis que Lazare l’avait logé et envoûté. Qu’il parlait par sa bouche. J’appuyai mes poings très fort contre mes oreilles. Claire manifesta la fermeté d’un mis­sionnaire.

– Que devons-nous faire pour que nos âmes revivent ?

Le visage de l‘étranger se décomposa dans ses éléments, se reconstitua. – Et Pierre nous sourit.

– Me faire un bisou.

 

 

5

 

Je ne sais pas vous, mais j’ai horreur des comiques – du sys­tématisme des comiques. Être drôle, toujours drôle, l’Enfer ! Je ne devais pas être le seul. Nous nous sommes levés d’un même élan.

Sara s’est placée dans le dos de Pierre et l’a retenu par les bras à sa chaise. Il s’est débattu, inquiet. Claire lui a serré les testicules à pleine main, il a hurlé. Bien sûr, quelque chose m’échap­pait, je le pressentais à un léger malaise qui montait, une incertitude au sujet de ce que nous étions exactement en train de faire. Claire a déchiré d’un coup de dent son chemisier et s’en est servi pour attacher Pierre au dossier. Léo le maintenait en joue avec son fusil. Sara hululait en tournant dans une danse du scalp. J’avais un doute. Quelque chose clochait mais je ne savais quoi. J’ai mordu Pierre à l’oreille, pour connaître le goût que ça avait, et j’en ai arraché des bouts.

J’ai recra­ché.

C’était trop péniblement in­time.

– Ça suffit !

 

[à suivre]

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article