1001 Vies (643) : Bricolages – 4
Je ne me suis jamais encombré de « relations ». Parasiter un être en prévision de son intérêt potentiel pour ma vie me ferait honte. Aujourd’hui quelqu’un me parle d’entretenir son « relationnel ». La situation s’est aggravée. La prépondérance de ce nouveau mot – comme à chaque fois que le vocabulaire s’enrichit (s’appauvrit) – cette contamination nous dit la seconde nature par laquelle l’artifice s’est greffé en nous. Plus aucun scrupule – et donc aucune liberté – dans le choix de ses amitiés. Pourquoi pas des amants dans tous les corps de métier ? Aujourd’hui, n’avoir plus de vie privée est enviable. Notre existence doit être publique. À ciel ouvert. Autre mode de la transparence requise par un avenir plutôt opaque. Le contraire est d’un grand naïf ou d’un sauvage aisément soupçonnable d’une dérisoire prétention. Pourquoi pas une barbe hirsute, un pagne autour des reins, un harpon ou une canne à pêche et une cabane au fond des bois ? Au contraire des apparences, ce qui relève de l’Un est proscrit par la bonne société unanime. Nous voici réduits à rentabiliser jusqu’à la moindre goutte de notre sang.
Pourquoi n’ai-je jamais agi ainsi ? D’où cette honte ? Pourquoi cette culture de l’écart ? Stupide souci d’individualisme ? Une énigmatique santé !À mon entier détriment. Par une sorte d’instinct très sûr de ma survie – sans la moindre conscience élaborée – j’ai maintenu haute une exigence gratuite qui me dessert honorablement : respirer. Il n’y a de liberté que dans les affinités.