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Publié par Michel Castanier

 

Ce que c’est que d’être Violette ! La difficulté !

Max a voulu la prévenir, rien n’y fait : c’est à elle d’être en vie, c’est son tour. Enfin elle a connu l’amour. Le cafetier sourit à Violette qui passe le balai entre les tables.

– Ta mère aimait à dire que les hommes ne se donnent jamais. Ils se prêtent. En fait, je ne suis pas très sûr qu’elle aimait à le dire. 

Le rayon de soleil traversant le feuillage des citronniers agace les yeux.

– C’est amusant, dit-elle. Moi, ils prétendent que j’attache. 

Max déplace un verre de pastis, cherchant ensuite à retrouver sa place exacte sur le comptoir – occupation distraite et pourtant si précise.

– Que veux-tu ? dit-il enfin.

– J’aimerais bien une de tes bières.

– Non, ce n’est pas ce que je te demande. Est-ce que tu sais ce que tu veux faire dans la vie ? As-tu réfléchi ?

– Je veux être libre !

– Et ça consiste en quoi ?  

Elle-même n’en a pas une idée très claire. Elle hésite, bafouille.

– Mais je n’en ferai pas nécessairement usage.  

Max écarquille les paupières et, le regard dilaté, il observe l’horizon où passe un skieur nautique.

– Il n’y a pas de liberté, à mon sens, dit l’ancienne  institutrice de la Cité des mille fleurs, assise à sa table favorite, près de l’eau. Il y a la connaissance. Mais elle fait peur.

– Tu parles de ton ardoise ? 

Une mouette sort son bec noir d’un palmier. La tête de côté, elle observe le ponton.

Violette jette son tablier de Nylon.

– Je vais à l’eau. Qui m’aime me suive. 

Max se frotte un sourcil.

 

 

Le double pédalier fonctionne à petits coups sous les pieds mouillés de Violette, qui frissonne dans la chaise de toile trempée du Pédalo – sa mélancolie posée comme une rose des vents sur la carte côtière de la station balnéaire.

Une machine, surchargée de baigneurs, passe à vive allure derrière un moulinet de jambes, les visages tournés en riant. On lance à Violette une plaisanterie qu’elle entend mal. Elle a un cri de surprise et fait des signes joyeux et elle veut pédaler après ces garçons, rieuse et animée, appuyant avec enthousiasme ses pieds nus sur les pédales.

Pédalos, planches à voile et scooters des mers sont déplacés et soulevés par les flots comme les éléments fragiles d’un grand mobile de Calder animé d’un mouvement perpétuel bleu.

L’embarcation de Violette continue de tanguer dans le sillage qui s’évase. Une secrète angoisse salit soudain la clarté de l’air. Elle ferme les yeux, mais elle a mal au cœur, se force à rouvrir les paupières, pédale pour gagner la rive qui se courbe et enferme les eaux, évitant de regarder le tourniquet voisin qui fonctionne à vide, rêveusement.

 

[À suivre]

 

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