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Publié par Michel Castanier

 

LES AMIS MARCHENT UN INSTANT À HAUTEUR D’UN TRAIN DE CHARBON DÉRIVANT

 

Il montait désormais de la ville inactive l’odeur lourde et suffocante de la section tropicale des animaux aquatiques dans le zoo du Jardin des plantes. Derrière les grilles qu’ils suivaient un lourd crocodile courait dans un piétinement sourd après un envol d’ibis.

Alex rit doucement. Il ne profitera pas de la situation inconfortable – ce sentiment de trahison, la certitude amère d’avoir été méconnue – où il l’a mise et qui la condamne à cet homme – à cet Harldr-là. S’il ne peut plus cacher à la perspicacité de Bénédicte qu’il en est amoureux, puisqu’il est là et sera là partout où elle sera, il ne veut pour rien au monde qu’elle se méprenne sur ses intentions. Elles sont claires. Le Navigateur solitaire – l’Idée du Navigateur solitaire – n’a pas d’importance. Ils seront toujours extrêmement, subtilement, conscients l’un de l’autre seuls à travers le monde

– C’était bien d’elle, de moi… De nous.

Bénédicte n’était-elle pas comme ces enfants qui s’inventent un ami fabuleux – invisible pour le commun des mortels (leurs parents) et qui les accompagne longtemps de leur influence protectrice, peut-être un peu trop longtemps dans son cas ?

Alex avait sur ses amants de passage cet avantage que ces êtres interchangeables – les Navigateurs – n’avaient pas la distance suffisante pour comprendre Bénédicte, la bonne distance : la distance d’une véritable et douloureuse traversée de l’Atlantique en solitaire.

Il avait dû parler trop fort, et une vieille dame sursauta en les croisant. Fred, qui reconnaissait un membre du Musée d’histoire naturelle qu’ils longeaient, spécialiste du comportement des doryphores, la salua d’un geste apaisant.

 

(Alex demeure assis à une table du front de mer, considérant dans son verre, un dépôt de glaçons éclairés par la lune et qui fondent imperceptiblement.

Que Bénédicte paraisse indifférente, à peine l’apercevoir, ne le troublera pas le moins du monde. Peut-elle faire autrement à cause de sa vengeance ? Il agira en génie familier et secret.

Les éclairs d’un orage d’été lointain vibrent à l’horizon en révélant de la courbe de la mer.

Une camionnette est garée sur la plage.

Les vagues étincelantes sous la lune frissonnent autour des roues.

Quelques ombres lentes placent des barrières ...)

 

– J'ai une intuition si sûre de Bénédicte, mon vieux Fred ! Il ne m'est pas si difficile d'anticiper ses réactions. Ma faculté d'empathie, sans doute. Et sans doute aussi ce don des dieux qui est le propre de l’amour et de la poésie : l’attention, la merveilleuse attention.

La main d’Alex se crispa à nouveau sur le bras de Fred.

 

[à suivre]

 

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