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Publié par Michel Castanier

[Henri Rousseau]

 

Marcelin semble depuis peu redouter d’être assis en face d’elle. S’il est couché, c’est sur elle, ou bien il dort. Puisque son oncle lui prête d’être « drôle » elle fait de leurs entretiens une piste de cirque où le célèbre sportif, la considérant par-dessus l’activité de son extenseur, la laisse culbuter comme un clown dans des seaux d’eau glacés pour le seul bénéfice d’un rire inquiet, peu naturel. Plus que jamais, elle lui offre des fleurs comme à une fille ! Si farouche et réservée, elle lui lave son linge ! Si peureuse, elle lui ramène de belles baskets de marque qu’elle vole aux grands magasins, ou si gourmande, des biscuits riches en fibres et magnésium, qu’il dévore en se laissant caresser !

Le champion a désormais un emploi du temps irrégulier, de jour comme de nuit, des heures changeantes dont Violette, pédalant avec fureur sur sa bicyclette, ne saisit jamais tout à fait l'ordonnance. Il lui arrive de le retrouver à la sortie de son club de gymnastique, en compagnie d’un pack de jeunes intellectuels qui ont tous L'Equipe sous le bras et l’entourent avec admiration, à moins que Marcelin ne marche à vive allure sur les pistes du monde, s’il n’est pas comme ce jour-là de nouveau dans les gradins des présidentielles du stade Jean Bouin.

 

 

L’ourlet de la paupière clignote vivement à l’arrivée de Violette.

Délimitée par un chemin de brique pilée, la pelouse du terrain de football a un vert d’eau tendre, un peu liquide et tremblé à cause du vent. Des mouettes se posent sur la partie de la pelouse qu’un groupe de footballeurs déserte à la poursuite du ballon. La formation ailée s'élève au retour des joueurs pour s'abattre ailleurs dans l'herbe abandonnée, le plus souvent près de la cage d'un portier qui a une casquette à l'ancienne et des mitaines en dentelles noires de grand-mère.

Le goal frappe dans ses mains ou du talon sur un des poteaux. Il redresse la visière de sa casquette de l'index, le nez en avant, quand l'action s'embrouille devant la cage adverse. Il a de tous côtés de rapides et gracieux mouvements de ses jambes grêles lorsque le ballon se rapproche, puis il se recule avec un geste de dépit quand son équipe éloigne le danger. De temps à autre, il se tourne pour communiquer une réflexion à sa petite cour, un groupe de garçons assis en ligne sur le gazon derrière les filets et qui hochent la tête en cadence.

– C'est une fille ! dit Violette.

Marcelin sourit béatement.

– C’est Nana !  

Ne dirait-on pas que Violette lui a fait ce que L'Equipe qualifierait de passe lumineuse ?

– C’est ma Nana. 

 

[À suivre]

 

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