Aimable légère VI Guerre de positions au front de mer – 4

Max a fait pratiquer la piscine lorsqu’il a augmenté la surface de ses biens en vue de la construction de son hôtel. Il distille ainsi qu’à son habitude les suggestions ingénieuses et les remarques les plus fines qui lui viennent sans fin.

– Le plongeon est une discipline subtile, messieurs. Il arrive que les filles aient à la puberté une distraction dans leur saut, une absence, un trou en plein ciel, qui les fait dégringoler sans plus se souvenir de ce qu’elles sont censées faire là-haut. 

Les ampoules déjà allumées devant le front de mer, sous les vitres opalescentes, éclairent les fronts des habitués du ponton de la plage.

– Ce qu’il y a de mieux n’est jamais dans leur assiette, remarque l'artiste-peintre, qui expose chez Max depuis peu.

Il enfouit aussitôt son front dans ses mains. Son voisin lui tapote précautionneusement le genou, et le peintre découvre en écartant les doigts son regard désabusé. Les eaux bleues de la Méditerranée s’alignent avec baigneuses jusqu’à l’horizon dans des cadres en bois de teck aux murs de la salle de restaurant.

Max se met à frotter avec énergie le comptoir, les deux poings dans son chiffon mouillé, longuement.

– Tu vas rire, Crespin ! dit-il.

Il observe tout à coup avec inquiétude le coiffeur.

– Ah oui ? Peu probable.

– Tu rirais si tu voyais comme ma nièce farde son visage de gros bébé avec un sérieux, une application, un délire de fillette à la table de toilette de sa mère.  

La fragile institutrice de la Cité des mille fleurs écoute en souriant, le bout de ses doigts pliés contre ses grandes dents; elle prend un air heureux en cherchant à côté du sucrier le sucre de son café fortement coupé de calvados.

– Il lui aurait fallu l’expérience transmise, dit-elle.

Cette nuit-là la planche du plongeoir vibre longtemps sous les magnifiques triples sauts périlleux de Violette.

Les nuits sans fin de l’été ne sont plus que les longs doigts d’un gant sensuel et noir.

Hippodrome, courses de lévrier, vélos sur le plan d’eau...

[À suivre]