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Publié par Michel Castanier

aventures explorations

 

 

 

Comportement inadmissible de la Méditerranée (suite)

 

5. La Fosse aux curiosités du docteur Hydre est située dans les sous-sols du Pavillon des expositions d’Ani­maux et Créa­tures extra­ordi­naires. Elle date d’ori­gines obscures. La poche de ciment ne voit jamais le jour. Une rampe en fer l’entoure. L’odeur est si pénible que les rares visiteurs sont conviés à se passer sous le nez cette crème mentholée qu’utilise le lé­giste devant les ca­davres particulièrement sensibles.

– Maryse ? dit Arsène. Maryse ? … 

L’Hydre de Lerne, sous l’influence d’un cau­chemar, n’est plus dans sa fosse qu’un nœud de cous aux multiples têtes endormies.

Le monstre ouvre un œil.

– Quoi qui y a ? 

L’Homme-caméléon est ner­veux et ses mains ont des trem­blements qu’il cache dans ses poches. L’Hydre l’observe avec curiosité. 

– Quel est le problème ? dit-elle au bout d’un mo­ment, ra­justant son caftan de grossière laine bleue.

– La mer …    

– Hé bien quoi, la mer ?

– La mer méditerranée a disparu. 

Quand Arsène eut exposé la merveilleuse situation, l’Hydre frissonne à l’idée de tant d’irrationalité. Elle a entre-temps dénoué ses multiples cous, repose ses têtes les unes près des autres à même le sol et ferme ses innom­bra­bles paupières.

– Tu me rêves, dit la bête avant de se rendormir.

 

 

6. – L’Histoire est rare, mes bons amis, dit le professeur, le nez en­foui dans un mouchoir de batiste dentelé pour se proté­ger des remugles du varech, mais nous pouvons confir­mer que son passage est reconnaissable : elle a une odeur. 

Il accompagne de bon cœur les Forces vives de la Chambre de commerce de long en large sur la jetée, sa che­mise de nuit claquant au vent du large, devant ce qui est ap­pelé :

– Une désertion…

– Un trou scandaleux !

– La scène du crime !

Le professeur prend peu à peu le pas sur les édiles et mène bientôt à grande allure leur va-et-vient méditatif dans tous les sens, sans qu’ils sachent quoi faire pour conserver leur dignité.

– Vous multipliez les essais les plus désastreux pour faire votre intéressant, monsieur le professeur. Serait-ce en­core le cas ?

– Rendez-vous compte ! Un des éléments natu­rels les plus familiers et les plus répandus sur terre !

– Que vont dire nos administrés ? 

– Il ne vous a pas échappé que l’Inattention soutenue gagne en influence même à la mairie, con­fie Style, fai­sant ai­mablement passer autour de lui un dra­geoir de poudre blanche – pour dégager le nez, préci­se-t-il. La situation (il désigne l’abîme) en témoigne.

– Ah bon ?

– Vous êtes à présent des Voyants, mes doux amis !

Ulysse récupère le drageoir, renifle une pincée de poudre sur l'ongle de son pouce avec une extrême distinc­tion.

– Finalement, j’aime cette odeur de poisson !

 

 

7. Le professeur s’arrête de marcher, étendant la main vers le large, alors que les édiles s’entrechoquent derrière lui.  Des friselis d’eau violette et mauve écument au loin – un soulèvement lie-de-vin au fond de la gorge. Comme un dos. Le dos écailleux de Neptune !

– Aristote a eu raison ! clame l’inestimable géographe, triom­phant. Voici la mer oubliée par la science moderne ! La mer pri­mi­tive – couleur de vin – à la périphérie de l’univers connu ! Elle nous re­vient six vagues après six vagues ! 

Le professeur Style, supputant déjà les conséquences ad­mi­rables de la situation, loin de s’en faire, en débat dans la ferveur avec ce qui reste du conseil municipal, marchant en débandade à sa suite.

 

 

8. Quelques mouettes rieuses, bésicles scintil­lants au so­leil, sont venues pa­poter « papyrus et rouleaux de la Mer morte » sur les ro­chers de la digue, comme si les membres de la Chambre de commerce n’étaient même pas là.

– Je parle sous votre contrôle, mes sœurs, dit l’aînée des mouettes aux yeux de chartreuse. Cette situation ne vous rappelle-t-elle rien ?          

– Certes, mais ces événements-ci n'ont pas beaucoup de sens dans le plan salvifique de Dieu, à bien y réfléchir.                     

– Laissons-leur le temps de s'en trouver un. 

 

 

9. Mais je me m’égare.

 

 

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