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Publié par Michel Castanier

 

 

La veille, il y avait eu du côté du bois de grands bruits de mar­teaux et de branches effondrées qui avaient duré toute l’après-midi, et j’avais vu, depuis le mur d’enceinte de l’asile, oncle Morse parcou­rir le parc dans les deux sens à plu­sieurs re­prises. Le soir même, il habi­tait un chêne. Il avait construit là-haut une ca­bane ombra­gée, bien venti­lée, so­lide et assez confor­table si­non cossue munie dune plate-forme de planches doù il avait interpellé les rares cu­rieux. Sortis de l’asile par la poterne bleue qui donnait sur le parc, nous nous te­nions à distance, mon guide et moi. Morse avait expli­qué pour quelques membres de l’Office sêtre mis à labri des bêtes sau­vages et de toutes sortes dennuis pos­sibles.

« Lentreprise était colossale pour un homme seul, avait-il dit, as­sis sur le bord de la plate-forme, les jambes nues cares­sées par lair frais. Mais une né­cessité absolue mobligeait de lexécuter. Mon premier soin fut de… »

Sa voix s’était perdue dans les bois où la plupart d’entre nous se dis­per­saient rapidement, morts d’ennui. Morse était sorti au cours de la nuit sur le seuil de sa hutte, et nous étions encore là, mon guide et moi. La lune imbi­bée deau luisait fai­blement entre les branches du chêne. Le parc faisait au loin une vague tache claire, comme la pré­sence dune rivière. Morse avait pro­clamé – à haute voix mais en aparté pour lui-même (il semble sou­vent aimer parler seul) – que le ciel allait se dé­ga­ge­r enfin, qu’il ne pleuvrait plus, qu’il faisait déjà moins chaud, grâce à la pluie, qu’un peu de brise ...

Mon guide, sans doute gagné par une vague lassitude, m’avait convié à me reposer et nous avions quitté cet homme étrange. Morse était en tout cas très satisfait au ma­tin quand il se joignit à la Maison Nogre pour son thé.

Un bouquet de visages roses sépanouit d'un massif de gyp­sophiles ram­pantes. C’étaient – d’après mes souvenirs des descriptions minu­tieuses de Virgile – Sophie, Berthe, Ayatollah, Céleste et Pouf Pouf. Elles firent des petits signes affectueux, en­joués. A leur tour, les oncles et cousins sa­luèrent avec bien­veillance, long­temps.

 « Qu’est-ce qu’elles font ?

Elles nous surveillent. »

Le parc était à moi­tié dans lombre du château. Les membres, sociétaires et alliés de la Maison Nogre in­ter­rom­paient parfois leur ai­mable activité pour contem­pler au-dessus des murs d’enceinte de lasile un envol brusque de mouettes qui se disper­saient en piaillant loin de la tour de la bi­blio­thèque.

 Un nuage minus­cule apparut à lest du château.

« Le baron est à lasile ?

On peut dire ça comme ça. »

Le nuage se répandit dans le ciel ainsi que dans une tasse de thé bleue. Le son grave et pur dune cloche d’église passa. Le vent sarrêta. Il retint son souffle.

Une mouette engluée de pein­ture jaune citron tra­ver­sa pénib­lement le ciel du parc dest en ouest.

 

 

[à suivre]

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